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d’exécution. Mais eft-ce par un exercice de défini arbitraire qu’on parviendra à être deffinateur pur & exaft ? Non ; on s’éloigne au contraire pour jamais- du chemin des vérités , & on n’y rentrera plus , fi ce n’eft par un retour violent fur une marche fi erronnée. Une preuve de la vérité de notre affertion , c’eft qu’on a vu des élèves de la première force dans ce genre de deffins faits devant le modèle , n’être pas en état de rendre , je ne dis pas feulement une main ou une tête , mais l’objet le plus fimple , avec cette jufteffe , cette précifion en quoi confille l’art de deffiner exactement.

Latour , peintre de portraits , qui étoit aflez précis dans fes enfembles , confeilloit aux commençans de deffiner des pots à l’eau , des chandeliers &c. long-temps avant que de copier les êtres animes. Ne reduifons Das , fi l’on veut , lesétudians, à des meubles de ménage ; mais ■çonfeillons leur pour objet de leur travail , ces plâtres moulés fur l’antique , ou fur d’autres belles fculptures , qu’en terme d’attélier on appelle bdjfés , expreffion elliptique , qui tigniùe fculptures de ronde bojfe. Quels fruits ne réfultera-t-il pas de les copier avec perfëvérance ?

D’abord , leur immobilité donnera 

la facilité de vérifier à plulieurs reprifes la copie qu’on aura faite , d’où naitra le talent de faire avec jufteffe. En fécond lieu on y apprendra les proportions les plus parfaites du corps humain. Enfin ces modèles accoutumeront à la netteté & à la fimplicité des formes , l’œil des jeunes élèves toujours détourné du beau choix par les miférables détails d’une nature imparfaite & fouffrante ; détails qui lui cachent ces formes folides , ces traits déterminés dans lefquels feuls réfident les organes du mouvement. Ce favoir eft , comme nous l’avons dit au mot hïflolre , d’une néceffité abfolue pour le grand ftyle. On objectera peut-être qu’un élève longtemps occupé à copier des objets immobiles, ne pourra jamais faire profit de la nature en mouvement. C’eft ici que Vinfiruclion d’un .maître attentif eft importante. Il faut qu’il habitue fon difciple à l’aifir l’enfembie de l’objet de fon imitation avec le plus de célérité poffible _, fans cependant contraindre le caractère particulier de fon efprit. Car , ( & ceci eft une obfervation importante ) plus il fera enclin au plaifir enchanteur de la précifion, moins dans les commencemens il la faifira avec promptitude, &z ce ne fera que par de longs & rigoureux examens , par des retours continuels fur fon travail , qu’il deviendra prompt Se exact tout à-la-fois.

Ajoutons à ces raifonnemens , qui ne manqueront pas de trouver de routiniers contradicteurs, des témoignages irrécufi»bles pour les gens heaux-Ans. Tenu I.

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de bon goût. Léonard de Vinci , Pérugin Michel -Ange, Raphaël, André Manregna , J. Belin , Jean Coufin , enfin tous les chefs d’écoles, à qui, fans la plus rebutante ignorance , on ne peut refufer les premiers rangs dans le mérite du vrai , ont vécu dans des temps où les êtres inanimés ont dû faire les premiers objets de leurs études. S’ils ont copié le modèle vivant , c’eft quand ils ont voulu & : qu’ils ont été en état de le faire : il n’y avoit pas de lieu public établi pour ce travail. Cependant, fans cette précieufereffource pour les progrès, ils font devenus les uns exacts, les autres fublimes deffinateurs. Concluons fur ce point que , fans une grande injlrucïion, fans une fuffifante habitude de defliner, on ne doit pas fe livrer à copier le modèle vivant.

Si le maître rencontroit un élève fpirituel , ardent, mais incapable de cette patience que demande l’étude de la correction, il ne faudroit pas en défefpérer ni le contraindre à l’étude que nous venons de preferire. De Piles dit que l’efprit du peintre eft libertin de fa nature : ce qui veut dire qu’il aime la liberté. C’eft, en effet, en le biffant agir librement , fouvent même , fans lui indiquer aucun plan qu’on peut le mieux épier & découvrir fes véritables difpofuions pour parvenir enfuite à les féconder. Le jeune peintre paroît-il fentir le coloris, il fuffira de l’inftruire des principes difons mieux , de les lui faire découvrir dans la nature , & dans cette partie, principalement de l’écarter des écueils auxquels expofent les fyftêmes , les conventions de la mode , & furtout la manie d’une méthode exclufive. En effet, qui peut borner l’étendue des teintes à donner dans les diflérens tableaux ? La nature ne montre -t- elle pas une diverfité infinie dans les divers genres de lumières qui éclairent les objets , dans la variété que produifent les climats les fites , les faifons , les inftans du jour, Sec. A l’étude de ces fublimes différences la bonne inftrucTwn joint celle des moyens que l’art peut employer avec le plus de folidité & de fuccès. C’eft ainfi que , par des exemples bien choifis & qui ont eu l’approbation des fiècles , on laiffe les talens s’affeoir , fe fonder & s’élever fur les bafes du goût & des organes particuliers de chaque difciple.

En eft-il un qui , dans fes compofitions montre des idées neuves & de la facilité à inventer ? Il fuffit également de lui montrer ces principes immuables que préfente la nature quand elle nous offre des mouvemens de plans de lumières, & de diftributions qui excitent l’intérêt univerfel. Par ces idées générales, on n’aura point à craindre que fes conceptions foient égales pour tous les fujets ; au contraire elles en prendront les formes diverfes, & il aura l’avantage bien précieux & bien rare d’< u-Mmia