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pagne ordinairement d’infcriptions , les ouvrages de ioulpture fur - tout quand ils reprélentent des hommes dont on veut conferver îa mémoire à la poftérité : elles fe gravent fur les côtés de la bâfe ; on en voit à toutes les Uatues de nos Rois. Vinfcription de la ftatue de Pierre I , à Péteribourg , eft d’une (implicite digne de l’antique. On lit fur le rocher qui lért de baie à cette ftatue : Petro 1 Catherina IL La poftérité conl’ervera trop longtemps en Rulîie , le lor.venir de Pierre I & de Catherine II , pour qu’il fut néceffaire d’ajouter quelque chofe au nom de ces deux lbuverains. L’auteur de la ftatue , M. Falcoaet , l’eft auffi de l’incri/ptien. v Les médailles portent des infcriptions qu’on nomme légendes.

Dans l’enfance de l’art renaiflant , le Cimabué , qui termina fes jours avec le treizième fiècle , s’avifa de faire fortir quelquefois de la bouche de fes figures , des rouleaux fur lefquels il écrivoit ce qu’il avoit prétendu leur faire dire. Ses fuccefîeurs n’adoptèrent pas cette invention.

Mais dans le quatorzième fiècle , Bruno , peintre Florentin , qui , d’accord avec fon confrère & fon compatriote Buffamalco , avoit joué au bon-homme Calandrino , peintre lui-même , les tours plaifàns qui nous ont été confervés par Boccace , fut dupe à fon tour de la malice de Buffamalco. Fort embarraffé pour donner à fes figures l’expreflion convenable aux fentimens qu’il leur fuppofoît , il alla conlulter fon ami. Buffamalco , avec un fangfroid perfide , lui confeilla de faire revivre les rouleaux de Cimabué , & Bruno fuivit bonnement cet avis. Il peignoit alors une femme en prières devant Sainte Urfule qui lui apparoiffoit. Un rouleau fortant de la bouche de la dévote , contenoit fa prière , & par le moyen d’un autre rouleau , Sainte LTrfule failoit la réponfe. L’exemple de Bruno devint contagieux ; les rouleaux écrits fe multiplièrent dans les ouvrages de peinture , êc y occupoient une place confidérable. On en voyoit à la bouche des perfonnages qui contenoient leurs difcours -, on en voyoit à leurs pieds qui contenoient leurs noms. C’étoit une grande "reffource pour les artiftes : elle leur epargnoit du travail , & leur otoit l’embarras de donner à leurs tableaux de l’accord & de l’effet , puifque l’effet & l’accord euffent été détruits par les banderoles blanches des rouleaux.

On p étend que l’illuftre famille de Lévi , croit defcendre de la tribu judaïque, dont étoit TViarie mère du Chrift. Pai entendu raconter que dans un château appartenant à cette famille, on voyait , dans un vieux tableau , un feigneur ie cette maifon } à genoux I N S

devant fa vierge. De fa bouche fortoic un rouleau , fur lequel on lilbit : bonjour, Marie. Et la vierge lui répondoit par un rouleau : bonjour, mon coujîn.

Simon , l’un des plus habiles peintres da quatorzième fiècle , mais qui vivra plus longtemps par les vers de Pétrarque que par fes ouvrages , ne crut pas devoir abandonner les- rouleaux. Il peignit Saint Régnier chaffant le diable qui étoit venu le tenter. Le démon , la tête baiffée , les épaules hautes , fe couvroit le vifage de fes mains , & fur le rouleau qui fortoit de fa bouche , étoit écrit : ohimè , non poffo plu , ( hélas , je n’en puis plus ).

Cet ufage étoit trop ridicule pour n’être pas détruit quand l’art le perfeclionnçroit. Cependant il en refta long - temps quelques traces. On conferva la coutume d’écrire ea lettres d’or , fur le champ des portraits , le nom de la perfonne repréfentée. Si Raphaël , n’a pas conlervé les rouleaux gothiques , il lui eft encore arrivé d’écrire fur le tableau même le nom des perfonnages.

Paul Véronèfe a repréfenté le repas chez le pharifien : laMagdeleine eft aux pieds du fauveur ; deux anges tiennent en l’air un rouleau , fur lequel on lit : gaudium in cœlo fuptr ti.no peccatore pœnitentiam agence. ( On le réjouit dans le ciel, pour un pêcheur qui fait pénitence.

On pourroit multiplier les exemples de ces fortes d’infcriptions. Elles font toujours vîcieufes : mais on louera l’artifte quand , par quelques moyens vraifemblables , il pourra faire connoître ou fon fujet ou fon principal perfonnage, ou quelque chofe enfin qui facilite l’intelligence de l’aâion ou des fentimens repréfentés. Il pourra quelquefois y parvenir , par une courte injcription fur un portique , fur une bâfe de colonne , fur une pierre , par le titre d’un livre fermé, par quelques mots fur une page d’un livre ouvert, par une phraf» commencée fur une lettre , &rc.

Le plus bel exemple Vinfcripiion , comprife dans le tableau même , nous eft fourni par le Pouffin. La fcène eft dans la molle & délicieufe Arcadie : un jeune homme &une jeune fille, deux amans fans doute, venoient dans un lieu favorable au plaifir, chercher la volupté : ils y trouvent un tombeau & un berger , qui leur montre fur la pierre fépulcrale cette injcription : t ? in Arcadiâ ego. ( Et moi auffi j’ai vécu dans l’Arcadie. ) Quel paffage de l’idée du plaifir , à celle de la mort ! Un grand nombre de tableaux , ne font pas le plaifir qu’ils devroient procurer, parce qu’on n’en conçoit pas le sujet ou l’idée de l’artifte. Il feroit à fouhaiter qu’au lieu des anciens rouleaux , on prît l’ulage d’ajouter à là