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poësie, & l’abondance de ses compositions, Rubens y tient sa place & y occupe même un rang très-distingué, comme Paul-Veronèse par la magnificence de ses ordonnances. Le Tintoret a des masses, & des partis d’effet si imposans ; son dessin même à un stile si grand, ses attitudes sont si faciles, qu’il peut être réputé peintre d’histoire, malgré la bisarrerie de ses inventions, & les incorrections de ses proportions & de ses formes. ([1]) Enfin on ne refuse pas même ce rang à Jacques Bassan, quoiqu’il ait adopté des attitudes communes, & des caractères de têtes aussi peu nobles ; parce que son coloris étoit simple, ses teintes puissantes & ses effets larges & bien cadencés. Les ouvrages de ce grand peintre, se sont peu conservés : mais dans ceux qui ont le moins noirci, on peut voir la raison de l’estime qu’il à obtenue de ses contemporains. P. Véronèse, lui en a donné un témoignage non équivoque, en lui confiant pendant plusieurs années l’éducation pirtoresque de Carletto-Cagliari son fils.

Mais quels qu’aient été les talens de tous ces hommes à qui l’on ne peut guère, je crois, refuser le titre de peintres d’histoire, reconnoissons du moins que la prééminence de ce titre, doit être réservée à ceux qui se sont distingués par l’excellence du dessin & de l’expression. Quelle doit être en effet la science des artistes qui peuvent courir cette carrière d’une manière distinguée ? Combien toutes les parties qui composent le corps humain doivent leur être connues, pour disposer à leur gré de tous ses mouvemens, de toutes ses proportions, de toutes ses affections suivant l’âge, le rang, le pays & l’état physique des sujets qu’ils veulent rendre ? Etude réflechie sur les monumens antiques ; connoissance approfondie de la partie d’anatomie, où résident les organes des mouvemens ; chaleur de pensée pour les caractères, sentiment pour la peinture des passions ; détails sur les costumes : tel est


à-peu-près, sur l’objet seul de la figure humaine, ce que doit posséder le peintre d’histoire, dans les parties propres à l’art du dessin. Car l’architecture, la perspective, l’histoire de tous les pays, la connoissance de beaucoup de branches d’histoire naturelle, sur-tout d animaux, & des végétaux, la mythologie, les usages, les instrumens civils militaires & religieux, des peuples anciens & modernes ; toutes ces branches & bien d’autres que j’admets, ne peuvent être regardées que comme des connoissances accessoires aux parties spéciales qui constituent le peintre du grand genre, considéré comme dessinateur. Qu’on y joigne actuellement le mérite du coloris propre à chaque sujet & aux divers espaces, & on aura une idée de l’art de peindre l’histoire, & de ce qu’on est en droit d’en attendre. (Article de M. Robin).

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HOMME (subst. masc.) L’homme a été vrai semblablement l’unique objet de l’art naissant, & il est resté le principal objet de l’art perfectionné. Le premier sauvage qui a tracé maladroitement un contour, ou qui a grossièrement représenté le relief d’une figure, a cherché, dans ses travaux informes, à imiter la figure humaine ; car c’est de l’homme que l’homme a toujours été le plus occupé.

Ne connoissant rien de plus parfait que lui-même, il a donné aux deux qu’il a imaginés une forme humaine. Le dieu suprême, pour le sauvage encore brut, est l’homme d’en haut, l’homme qui roule & lance le tonnerre, l’homme qui loge sur les montagnes. Homère pour exprimer les dieux, dit souvent ceux qui habitent les maisons de l’Olympe.

C’est le besoin qui a inspire les arts nécessaires à la vie ; c’est la religion qui a donné naissance aux beaux arts. Les premières représentations que l’homme ait essayées furent celles de ses dieux, & par conséquent des imitations de la figure humaine, puisque c’étoit cette figure qu’il prêtoit aux dieux.

S’il a dans la suite imité des animaux, des plantes, cette imitation avoir pour objet de suppléer à l’écriture qu’on ne connoissoit pas encore. Tels furent les caractères hiéroglyphiques des Egyptiens.

Mais cette sorte de représentation fut très-imparfaite, parce que l’art étoit encore sauvage. Quand il commença à se perfectionner, on avoit déja trouvé l’écriture alphabétique. Il ne s’occupa donc pas à perfectionner le supplément de l’écriture, parce que ce supplément devenoit inutile.

L’art fut encore assez long-temps consacré à la religion, c’est-à-dire, à représenter les dieux qui avoient des figures humaines. Ensuite il

  1. M. Reynolds n’a pas précisément exclu du genre de l’histoire les artistes que cite ici l’auteur de cet article ; mais il a divisé ce genre en deux classes La première, bien supérieure à l’autre, est composée des maîtres qui ont joint la profondeur de pensée, la grandeur d’expression, la simplicité de composition, à la pureté des formes, & dont le coloris sage ne fait que rendre plus puissante encore l’expression générale. La seconde classe, longo sed proxima intervallo, est composée des peintres qu’il nomme d’apparat, & qui séduisent le spectateur par la magnificence du spectacle & par l’éclat du coloris. Il range dans cette classe Rubens, Paul Véronèse, &c. & prouve que même les qualités qui ont fait la gloire de cet artistes, seroient nuisibles au premier genre, qu’on pourroit appeller le genre pur & expressif. On tireroit à-peu près le même résultat des écrits de Mengs, d’où il faudroit conclure que le premier, le vrai genre de l’histoire, est celui que, pendant long-temps, presque tous les artistes de l’Europe semblent être convenus d’abandonner. (Note de l’Editeur.)
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