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dure. Mettra-t-on entre l’un & l’autre, un grand intervalle de demi-teintes ? Le caractère sera doux. Fera-t-on suivre un dégré de teinte par le dégré qui en approchera plus, & ainsi progressivement, en distinguant seulement assez une teinte d’une autre pour détacher les objets ? Il resultera de cette manœuvre un ouvrage fort suave. Si c’est par masses que l’on separe les clairs des clairs, & les ombres des ombres, l’ouvrage aura de la grandiosité. En un mot, en employant avec intelligence ces différens moyens on imprimera le caractère convenable aux différentes productions. »

« Mais ait lieu d’employer seulement le noir & le blanc, comme nous venons de le supposer ; fera-t-on usage de la variété des couleurs ? Alors on pourra augmenter à l’infini la signification & l’expression qu’on se proposera de donner au tableau. »

« Mais il faut éviter avec soin de répéter plusieurs fois la même force & la même grandeur des jours & des ombres, ainsi que les extrêmes des sans & des autres, & s’attacher toujours à la vérité ou à la vraisemblance. Sur-tout il faut se rappeller que le clair-obscur est la base de la partie de la peinture qu’on nomme harmonie, & que les couleurs ne sont que des tons qui servent à caractériser la nature des corps ; que par conséquent on doit les employer suivant leur caractère général de clarté ou d’obscurité, & suivant les règles du clair-obscur. »

« Pour qu’il résulte de l’emploi des couleurs de la grace & un parfait accord, il est nécessaire d’en bien observer l’équilibre. Quoique nous ayons distingué cinq couleurs, se il n’y en a réellement que trois, le jaune, le rouge & le bleu, car le blanc n’est pas une couleur, il n’est que la réprésentation de la lumière, & le noir celle de sa privation. Quand l’occasion sa présentera de mettre sur la toile, quelqu’une de ces couleurs pures, il faudra chercher l’occasion de mettre à côté une couleur rompue. Supposons qu’on soit obligé d’employer le jaune pur ; on l’accompagnera du violet qui résulte du mélange du rouge & du bleu. Si c’est le rouge pur que vous employez, vous y joindrez par la même raison, le verd, qui est compose du bleu & du jaune Mais l’union du jaune & du rouge, qui forme le troisième mélange, ne peut pas être employé souvent avec fruit, parce que la teinte en est trop vive : il faut donc y joindre le bleu, ou du moins l’accompagner de cette couleur. »

« Ces matériaux mis en œuvre de la manière que je viens de dire, en plus ou moins grande quantité, serviront à donner


aux choses le caractère qui leur convient. Mais on doit se garder de mettre dans un tableau trop de couleurs pures & brillantes. On peut marier ensemble toutes les couleurs par le moyen du blanc & du noir ; le blanc en ôte la dureté & les rend suaves & tendres ; le noir les dégrade & les amortit. Les couleurs composées de deux couleurs franches, peuvent de même être amorties & rendues tendres, en y mêlant un peu de la troisième couleur pure. Ce que je viens de dire doit s’appliquer non-seulement aux draperies, mais encore au coloris des chairs, & même aux fonds, en començant toujours par se régler sur la partie principale, avec laquelle il faut accorder tout le reste. »

On pourroit désirer, peut-être, un peu plus de clarté dans l’exposition de cette doctrine. Dandré-Bardon traite le même sujet avec moins de profondeur, mais en même temps avec moins d’obscurité.

« l’harmonie de la nature, dit-il, envisagée relativement à ses couleurs, dérive de la participation des nuances que le soleil communique à tous les objets, qui tantôt se mirent les uns dans les autres, & tantôt se réflechissent réciproquement les rayons qu’ils reçoivent de l’astre du jour. De même, l’harmonie d’un tableau consiste dans une communication de tons opérée par le rapport des couleurs, par l’uniformité des lumières & par la modification des ombres. »

« Pour conduire un ouvrage de peinture à une harmonie parfaite, il faut donc premièrement que la plupart des couleurs soient liées d’amitié, & qu’elles entrent dans la composition les unes des autres : on en excepte à peine celles qui sont destinées à former les plus piquantes oppositions. Secondement, que toutes les lumières soient à l’unisson relativement aux plans & aux masses dont elles font partie, » (ce qui ne signifie pas qu’elles doivent-être à l’unisson dans toutes les masses & sur tous les plans, mais seulement sur chaque plan & dans chaque masse) : « Troisièmement que les parties refletées réjaillissent réciproquement, & empruntent les nuances des objets voisins, comme les glaces reçoivent & réverbèrent les traits & les couleurs des corps qui leur sont présentés. Quatrièmement, que toutes les formes comprises dans les masses d’ombre soient amorties par la privation de la lumière, à raison de son plus ou moins de vivacité. Qu’à cet égard, l’éclat des couleurs locales soit plus ou moins éteint, sans néanmoins que les objets perdent entièrement le ton qui leur est propre. »

« La nature, dit il ailleurs, est susceptible