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Ifôiifafica fln ftyle &" de la manière des différées peintres , qu’en voyant Couvent leurs ouvrages , &r qu’en les rapprochant les uns des autres. S’il nous falloit juger du mérite de Raphaël d’après un ou deux de fes tableaux feulement , nous ne ferions peut-être pas tentés de joindre nos éloges à ceux dont cet homme célèbre jouit depuis trois fiecles. Il n’y a pas de peintre qui n’ait fait des ouvrages inférieurs à ceux qu’il produifoit ordinairement ; il faut donc en confulter plufieurs avant de le juger. Mais où trouver une galerie de tableaux allez confidérable pour nous en offrir plufieurs de chacun des anciens maîtres’ Deux ou trois tableaux fuffifent-ils pour connoître la fertilité du génie , la pureté du deiïïn , la force d’expreffion & cette inépuifable variété de formes & d’ingénieufes compofitions , premières qualités d’un excellent peintre ? Mais une collection d’eftampes d’après ces mêmes artiftes , nous fuffira complètement, fi nous la regardons avec des yeux attentifs. Si dans ces gravures , foit au burin , foit à l’eau-forte , nous retrouvons ces mêmes qualités fupérieures, pourrons - nous douter des grands talens de l’auteur original ? Cette même collection nous permettra de rapprocher diverfes compofitions d’un même artifte , de les comparer , de diftinguer en quoi elles diffèrent , & de juger des commencemens, des progrès, de la fupériorité & de la décadence de fes talens. En examinant attentivement les effampes gravées d’après Raphaël , on voit dans celles de Tes premiers temps cette manière" roide & gothique qui diffère fi peu de celle du Pérugin dont il fut l’élève : mais bientôt on reconnoîr dans celles qui fuivent, ce ftyle fublime & plein de grâces qu’il adopta pour toujours.

C’eft principalement , comme nous l’avons déjà dit , dans les effampes gravées par les peintres que l’on retrouve toute leur manière -, c’eft donc par elles que l’on peut plus certainement les connoître. Celles d’Albert Durer , de Rembrandt, de Salvator-Rofa font en quelque façon des contre - épreuves de leurs tableaux , qui, pour la plupart , ont perdu par le temps la fraîcheur de leur coloris : aufli font -elles très - recherchées des amateurs, & quelques-unes même ont été payées auffi cher que l’aufoient été des tableaux originaux de ces mêmes artiftes.

Indépendamment de la propriété de repréfenter exactement les chefs - d’oeuvre de la peinture , les effampes ont encore , en qualité «le productions originales , le mérite d’imiter la nature. La gravure ne s’eft pas toujours affujettie à ne faire que des copies ; elle a fait voir qu’elle pouvoit prétendre avec fuccès à la gloire de l’invention ; c’eft même en cela qu’elle s’eft fait le plus d’honneur. Albert - Durer , Beaux-Arcs, lome J %

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Goltzius & Rembrandt, en Allemagne 8c en Hollande-, le Parmefan , Délia Bella en Italie,-Callot 8c le Clerc , en France , ont gravé beaucoup d’eftampes, dont les fujets , entièrement de leur compofuion , ne font point faits d’après des tableaux , 8c ne cèdent à ceux-ci que par le coloris , feul avantage de la peinture fur la gravure.

Ce que nous venons de dire peut nous indiquer la méthode que l’on pourroit fuivre dans l’arrangement d’une collection d’eftampes -, arrangement qui ne laiffe pas que d’avoir fa difficulté. Toutes les fois que l’on regardera la gravure comme un art fecondaire , comme un art qui en imite un autre, il faudra que les effampes faites d’après les tableaux foient clafiees fuivant l’ordre & les noms des peintres : mais fi on la confidere comme un art original r qui peint la nature par des moyens qui lui font particuliers, alors on doit claffer fes productions fuivant l’ordre & les noms des graveurs feulement,

La découverte de l’imprimerie dans le quinzième fiècle , eft fans aucun doute , ce qui a le plus contribué à l’avancement général de toutes les connoiffances. Avant elle la feience des fiècles paffés n’exiftoit, pour ainfi dire, que dans les anciens manuferits à demi vermoulus ; il en coûtoit trop à leî faire copier pour qu’ils fuffent multipliés , & d’ailleurs le propriétaire ne s’en deîTaifirtbit prefque jamais pour les communiquer, tant il y mettoit de valeur ou d’importance. Nous voyons dans l’hiftoire quelques exemples des difficultés qu’on faifoit pour confier un livre, & les précautions qu’on prenoit pour qu’il fût exactement rendu à celui qui l’avoit prêté. La découverte de l’imprimerie abbatit ces barrières , qui fi long - temps avoient empêché la communication des lumières ; les mœurs s’adoucirent , & la civilifation qui , peu à peu , devint générale , fut une heureufe preuve de l’utilité de cette découverte. Ce que l’imprimerie a fait pour les feiences , la gravure l’a fait pour les arts ; elle a rendu aux anciens peintres d’Italie , en confervant & multipliant leurs ouvrages , le même fervice que l’imprimerie a rendu au Tafle , à Shakefpéar , au grand Corneille.

Le plus nobJe de tous les genres de gravure , celui qui exige le plus de talens , c’eft fans contredit le genre de l’hiftoire. On ne peut y réuflîrfans un goût excellent , fans une grande habileté dans le deflîn , & fans la plus heureufe exécution. Un artifte qui croiroit fuppléer à ces qualités par un foin extrême & la plus grande netteté dans l’arrangement de fes tailles , ne feroit qu’une gravure froide & infipide , & tout en admirant fa patience, le.s véritables connoiffeurs ne pourroient s’empêcher d’ayoïr pitié de fon peu de goût , & de regrette !: Ddd