Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/473

Cette page n’a pas encore été corrigée
332 GÉN GEN


minée & que l’on peut enseigner des parties qui ont été mal-à-propos décorées du nom de génie, mais non qu’on puisse enseigner à avoir du génie. On peut donner des leçons de toutes les parties de l’art ; si l’on acquiert des parties nouvelles, on pourra les soumettre encore à, des principes ; mais on n’enseignera jamais à les pratiquer avec génie, parce qu’on ne peut apprendre à un jeune artiste à avoir de l’imagination, de la sensibilité, un esprit d’une vaste étendue & d’une grande profondeur. Par quels moyens M. Reynolds apprendroit-il à ses élèves l’art de mettre dans leurs ouvrages l’expression qui fait admirer son tableau du Comte Ugolino, expression que toutes les parties de l’ouvrage concourent à rendre plus profonde & plus terrible ?

Comme celui qui parle, qui écrit avec génie ne pourront manifester ses conceptions si les hommes ne s’étoient pas fait un langage, l’artiste de génie ne pouvoir faire connoitre les siennes avant que le langage de l’art fût formé. Plus ce langage a été borné, plus l’artiste de génie a éprouvé de gêne. Ainsi, tant que la peinture a été bornce au simple trait, le génie pittoresque a eu peu de moyen de se montrer.

Si Giotto avoit autant de génie que Raphaël, comme les moyens qui forment le langage de l’art étoient moins perfectionnés de son tems, il n’a pu le manifester de même. Comment avec les lignes roides, inflexibles & monotones de son dessin, auroit-il rendu la vie, le mouvement, l’expression de l’homme passionné ? Si le langage de l’art acquiert à l’avenir des perfections nouvelles, c’est-à-dire, si les moyens de l’art acquierent une plus grande étendue, les artistes de génie tireront de nouveaux avantages de ces nouvelles perfections, comme l’écrivain de génietrouve dans une langue plus riche des ressources que lui refusoit une langue pauvre : des maîtres pourront leur enseigner à en faire usage ; mais ils auront le génie en eux-mêmes, & on ne leur enseignera pas à en avoir. C’est ce qu’on peut répondre au raisonnement de M. Reynolds, ou plutôt c’est ainsi qu’on doit l’interpréter.

Il met le talent d’exprimer les passions au nombre des choses qui se peuvent enseigner. Il est vrai qu’on peut démontrer l’expression sur la nature vivante & sur les ouvrages des grands maîtres ; qu’on peut’ en appuyer les principes sur la science de l’anatomie & sur celle de la physiologie : mais comme il faut sentir soi-même pour bien exprimer les passions, on ne peut apprendre à personne à les bien exprimer, puisqu’on ne peut apprendre à personne à être sensible.

Il en est de même de l’imagination & de la profondeur : on peut faire l’analyse de ces deux opérations de l’esprit, on peut en donner de


beaux exemples ; mais on n’enseignera pas à imaginer fortement, à voir profondément.

Nous rapporterons, pour terminer cet article, ce que dit Mengs du génie de Raphaël. « il etoit, dit l’artiste Saxon, doué sans doute, d’un génie supérieur ; non de celui qu’on croit, en général, propre à la peinture, & qui n’est qu’une imagination brillante ; mais d’un génie, réfléchi, vaste & profond. Car, pour devenir un grand peintre, il n’est pas tant nécessaire d’avoir une grande vivacité d’esprit, qu’un discernement Juste, capable de distinguer le bon du mauvais, avec une ame tendre & sensible sur laquelle tous les sentimens font une prompte impression, comme sur une cire molle, mais qui cependant ne change de forme qu’au gré de l’artiste. »

« Tel doit être le génie du peintre ; tel a été celui de Raphaël. Car pour donner cette variété que nous remarquons dans ses compositions, il falloit nécessairement qu’il pût modifier à l’infini ses propres sensations, puisque, sans avoir bien conçu le mouvement que doit faire on homme dans la situation déterminée où nous le supposons, on ne sauroit le rendre sur la toile. L’esprit préside à toutes nos actions ; par conséquent celui qui ne fait pas se représenter vivement one chose, saura bien moins encore la peindre ; & si l’on y parvenoit par quelque moyen artificiel, on ne feroit aucune impression sur l’esprit du spectateur. »

Ce que Mengs établit ici s’accorde parfaitement avec la définition que nous avons donnée du génie. (Article de M. Levesque.)

GENRE (subst. masc.) On nomme peintres de genre les artistes qui se sont consacrés particulièrement à représenter certains objets. Des goûts particuliers & la difficulté d’embrasser toute l’étendue de l’art, ont occasionné cette division dans la pratique de la peinture. Les mêmes causes ont formé dans d’autres arts des divisions à-peu-près semblables.

Un poëte qui auroit à lui seul les talens nécessaires pour exceller dans tous les genres de Poësie, seroit à-peu-près dans cet art, ce qu’est ou ce que devroit être le peintre d’histoire.

Mais les uns s’adonnent plus particulièrement aux Pastorales : ils sont postes paysagistes ; aux compositions anacréontiques, ils s’approchent du genre des peintres agréables ; de même quelques artistes qui peignent les animaux, ont des rapports avec les fabulistes. Wateau, Lancret & quelques artistes modernes qui ont pris pour objet des actions ou des scènes particulières de la vie commune, peuvent se comparer aux auteurs de comédies, & les poëtes descriptifs aux peintres de vues.

La peinture enfin appelle genres ce que la