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, 2 o F-RE italien, augmentatif de carta qui veut dire papier.

Si les cartons ne portent pas la couleur projettée, le peintre doit la trouver sur un petit tableau où son travail est arrêté pour l’effet & pour le coloris. Les modernes ont usé de cette dernière méthode. Aussi leur a-t-elle fourni les moyens de mettre dans leurs productions à fresque plus d’accord, de coloris & d’effet qu’on n’avoit fait jusqu’alors.

Nous voici parvenus au point qui, à notre avis, fait une des plus éminentes distinctions de cette peinture : c’est qu’elle est la plus convenable aux talens supérieurs, aux peintres vraiment savants.

Ce n’est pas par l’adresse de la main que Raphaël, Michel-Ange, Jules Romain, &c. ont atteint les sublimes parties de l’art, & se sont immortalisés par les chefs-d’œuvres de Florence, de Rome, & de Mantoue : ils ont dédaigné ce petit mérite, fruit de la seule pratique. C’est par le choix de piquantes & de fières attitudes, par des formes savantes, bien senties & propres à chaque caractère, par des idées générales capables de s’emparer des sens & de fixer l’attention, enfin c’est par tout ce qui est du ressort de l’esprit & de l’ame, qu’ils ont atteint les hauteurs du grand art de peindre ; l’ouvrage d’un artiste qui s’occupe des gentillesses & des graces du pinceau dont la peinture à l’huile est susceptible, pourroit-il présenter tout à la fois les parties dans lesquelles réside vraiment le sublime ?

Si Raphaël a fait des tableaux à l’huile dignes d’entrer en comparaison avec ses fresques du Vatican & ses cartons d’Hampton-court, tels que la célèbre transfiguration, les tableaux de la collection du Roi de France &c, c’est peut-être parcequ’il usoit de la pratique des cartons, ou grands dessins, pour ces sortes d’ouvrages, comme pour ceux à fresque, & que par-là, il s’assuroit de grandes parties de dessin. Il n’avoit plus alors qu’à s’occuper de la couleur & de cette fonte de peinture qu’il adoptoit dans ses tableaux à l’huile.

Quand il fut question de peindre dans la chapelle Sextine, ([1]) le Frère Sébastiano, peintre Vénitien, conseilla au pape de forcer Michel-Ange à le faire à l’huile, & le mur fut préparé à cet effet. Le grand homme arrive & fait dégrader cet apprêt : « disant fièrement que la peinture à l’huile n’étoit bonne que pour les dames, les personnes lentes & qui se piquent d’adresse tels que le frère Sébastiano ; » & l’ouvrage fut fait à fresque, parce que ce genre de peinture méprise cette attention à la manœuvre ; vain mérite, qui est perdu


pour elle. La touche disparoît dans l’enduit qui la dévore, elle n’occupe pas l’ame du grand artiste qui alors est toute entière aux caractères, aux formes, aux expressions & à la saillie des corps. Son goût ne se manifeste pas sans science, sa main ne s’occupe que d’exprimer, & il se livre tout entier à cette tâche difficile, la seule digne de lui. S’il la remplit, le spectateur est transporté : & comme l’auteur, il ne cherche rien au-delà.

S’il est vrai que dans les beaux arts, on doive préférer l’esprit à l’exécution, la fresque ne doit rien perdre de notre admiration, par la raison que le métier ne s’y apperçoit pas.

On sent bien que le petit détail des formes, la fonte excessive & suivie des teintes, le mérite d’une touche délicate & légère ne peu, vent faire partie de la peinture, à fresque. Aussi ne supporte-t-elle pas un examen rapproché comme les tableaux à l’huile. Elle a quelque chose de sec & de raboteux qui déplait. Un artiste ou un amateur qui auroit compté sur le succès d’une fresque, placée près de l’œil, se seroit lourdement abusé. Le vulgaire la trouvera toujours grossière & peu finie.

La fresque ne doit guères s’employer que pour les palais, les temples & les édifices publics. Mais aussi quel autre genre, dans ces vastes endroits, pourroit lui être préféré ! large, piquante de tons, constamment fraîche, elle enrichit l’architecture, l’agrandit, l’anime & repose l’œil de la répétition de ses formes, & de la monotonie de sa couleur, dans un lieu surtout où les marbres de couleur & les bronzes ne sont pas employés. Il y a plus, une belle fresque fait sentir tout ce qu’une fastueuse architecture a de précieux, puisque cette architecture sert de cadre, de soutien & d’abri à cet art enchanteur qui arrête les regards & remue toutes les ames sensibles.

Quoique nous renvoyions au dictionnaire de la pratique ce qui regarde l’exécution de la fresque, ainsi que la nature & l’emploi des couleurs dont elle peut user, il nous semble cependant que c’est ici le lieu de démontrer qu’elle a des moyens de fraîcheur, d’éclat & de vigueur qui manquent à l’huile & à la détrempe.

Un principe connu sur toutes les espèces de peintures est qu’elles obtiennent d’autant plus de succès dans le coloris, qu’elles sont moins loin de l’éclat des clairs & de force des ombres de la nature. Comme les couleurs que la peinture employe ne l’atteignent jamais, on ne parvient à produire quelqu’illusion que par la comparaison & les oppositions des tons de couleurs entr’eux.

Si le blanc à l’huile le plus beau, le plus pur, paroît lourd & gris comparé aux plus grands clairs qui sont dans les blancs naturels,

il

  1. (1) Vasari vita di Sebastiano frate del Piombo.