Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/454

Cette page n’a pas encore été corrigée

FO N roit tout aussi bien fondue que si elle n’avoit que vingt-cinq ou trente pieds. » Les personnes qui n’ont pas même la plus légère idée des fontes, sentiront ce qu’on gagneroit à cet égard en couchant le moule au lieu de le tenir debout.

On seroit tenté de croire que la plus ou moins grande épaisseur des fontes est indifférente pourvu qu’elles donnent une belle empreinte. Cependant on ne niera pas que ce ne soit un avantage d’épargner du métal & de diminuer les forces nécessaires pour remuer un colosse. Mais si un ouvrage colossal a des parties considérables qui s’avancent sans avoir d’appui, il est alors bien essentiel que ces parties soient légères, puisque leur poids menaceroit le monument de sa chute. Dans la statue équestre & collossale de Pétersbourg, la machine entière n’a d’appui que les pieds de derrière du cheval ; il étoit donc très-essentiel que les parties antérieures du monument fussent tenues d’une grande légèreté. Cette nécessité a engagé l’artiste à ne pas suivre la pratique générale des modernes, & à donner au devant de sa fonte une légèreté qui n’avoit été connue que des anciens.

Comme nos statuaires abandonnent à des ouvriers fondeurs le soin de jetter en bronze les ouvrages dont ils ont fait les modèles, il semble que l’article fonte devroit, dans l’Encyclopédie methodique, appartenir au Dictionnaire des arts méchaniques. Mais il appartient en effet auDictionnaire des Beaux-Arts, parce qu’il est très-nécessaire que les statuaires sachent diriger leurs fondeurs, & parce qu’ils peuvent se trouver dans des circonstances qui les engagent à fondre eux-mêmes. Les anciens dirigeoient les fontes de leurs ouvrages ; Pline & Pausanias ne nous permettent pas d’en douter. Leur exemple fut suivi par la plûpart des sculpteurs Italiens ; long-temps même les grands artistes de l’Italie furent à la fois sculpteurs, fondeurs, peintres & architectes. En France, Desjardins fondit lui-même le monument de la place des Victoires.

Si l’auteur de la statue équestre de Pétersbourg, M. Falconet, s’en étoit remis à la routine d’un fondeur, il se seroit vu contraint de renoncer à la composition de son ouvrage, puisqu’il n’auroit pu être exécuté dans toute l’épaisseur que les sculpteurs modernes donnent à leurs fontes.

Les détails de la fonte appartenant à la manœuvre des arts plutôt qu’à leur théorie, nous les renverrons au Dictionnaire destiné à traiter de la pratique ; mais nous croyons devoir en donner au moins ici une idée légère aux lecteurs dont les procédés de cet art peuvent exciter la curiosité.

Il est nécessaire que l’attelier soit spacieux,


puisqu’il doit contenir le fourneau & le moule qui recevra le métal en fusion : il faut d’ailleurs qu’un grand nombre d’ouvriers y puissent travailler à la fois sans se gêner mutuellement.

On ensévelit ordinairement le moule dans une fosse profonde ; & comme on doit craindre l’inondation & même toute espèce d’humidité, on choisit pour la creuser un terrein élevé. Cependant, au lieu de creuser une fosse, on peut construire le fourneau de manière qu’il domine le moule. C’est ainsi qu’a été exécutée la fonte de la statue équestre de Girardon, & le terrein marécageux de Pétersbourg a obligé d’opérer de même pour la statue équestre de Pierre I. L’auteur de ce monument trouve de grands avantages dans ce procédé, & attribue l’usage de s’enterrer dans une fosse étroite & profonde à la routine des fondeurs d’artillerie.

La chausse & le fourneau sont construits en briques. On choisit pour les parties les plus exposées à la grande ardeur du feu des briques qui soient difficiles à se vitrifier, & au lieu de les mâçonner avec du mortier, on les gâche avec la terre même dont sont faites ces briques. Après la construction du fourneau, on lui donne le recuit ; ce qui se fait en le remplissant de briquaillons, c’est-à-dire de briques cassées, & en faisant dans la chauffe un feu égal à celui qui sera employé pour la fonte du métal.

Cependant le statuaire a fait en plâtre le modèle de sa statue telle qu’elle doit être en bronze. La destination de ce modèle est d’être moulé pour fournir le creux qui sera rempli par la matière en fusion. On commence donc par le moule en plâtre, & tout ce qui est en relief dans le modèle est en creux dans le moule. Il peut être considéré comme un cachet qui, gravé en creux, donne en relief son empreinte sur la cire. Ce moule est construit par pièces détachées qui peuvent se séparer & se réunir ; un fort chassis de bois de chêne lui sert de base. Pour que le plâtre du moule ne se colle pas à celui du modèle, on enduit celui-ci d’huile d’œillet, qu’on y applique au pinceau.

Le moule fini, & toutes les pièces exactement numérotées pour être facilement reconnues dans la suite, on les démonte.

Mais le bronze de la statue ne doit pas être massif ; il ne doit avoir qu’une épaisseur déterminée, & il est même bon que cette épaisseur soit aussi légère qu’il est possible. Il faudra donc, avant de procéder à la fonte, établir un noyau qui remplisse la cavité du moule en laissant seulement entre lui & ce moule un vuide égal à l’épaisseur que doit avoir le bronze. C’est par le moyen de cires appliquées au moule de plâtre qu’on ménage ce vuide. Elles seront fondues quand le noyau & le second moule qui doit recevoir le métal, & qu’on appelle moule de

Beaux-Arts. Tome L R r