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F O t s’attireront la censure sévère de ceux qui ont le droit de prononcer sur leurs ouvrages. (Article de de M Watelet.)

FLOU, est un terme qui ne sort pas des atteliers, & n’est guère entendu que des gens de l’art. Il n’est pas synonyme du mot fondu, quoiqu’il exprime un pinceau qui fond les couleurs & les noye les unes dans les autres. La différence entre ces deux mots est 1°. que le mot flou exprime l’excès du fondu.. 2°. Qu’il suppose une grande légèreté de couleurs sur-tout dans les ombres. Ainsi, plusieurs peintres des différentes écoles d’Italie, les Allemands en général, & en France le Bourdon, Louis Boullogne, Carle Vanloo fondoient toutes leurs couleurs ; mais ce n’étoit ni avec cet excès, ni avec cette légèreté de tons dans les ombres qu’on pourroit exprimer par le mot flou. Carlo Dolce, & chez nous Alexandre Grimou, Raoux, &c. ont vraiment peint flou. Les Italiens rendent très-énergiquement ce genre de pinceau par le mot sfumato ; telle est la signification bien déterminée de ce qu’on entend par le mot flou.

Ce genre de peindre a beaucoup de partisans dans le public, parce qu’il rend la couleur lisse sans nulle touche, ni épaisseur de couleurs, & qu’il produit (comme ce public s’exprime) une peinture bien douce. Mais cet éloge assez mal fondé ne doit pas empêcher d’apprécier cette manière & de montrer ce qu’elle a de vicieux.

Ce flou si flatteur à l’œil n’est ordinairement que le fruit d’une pure habitude & jamais celui du savoir ni du sentiment. Il décele souvent au contraire l’ignorance qui l’adopte pour se cacher sous l’ombre d’une exécution aimable.

Le flou ou le fondu excessif dispense de rendre par la touche, dans les chairs, le sens des muscles, leurs mouvemens & leur nature diverse ; celles des femmes, des hommes, des enfans sont toutes exprimées par un pinceau flou avec le même sentiment, ou plutôt avec la même absence de sentiment. La sécheresse naturelle des métaux & leur piquante lumière ; le cassé des plis du taffetas, le moëleux du velours, le fini du satin, la rondeur du drap, tout enfin est de la même exécution dans un tableau flou, & les objets n’y sont guère différenciés que par leurs couleurs & leurs formes encore mollement senties.

De tout ce que je viens d’exposer, on peut conclure que ce genre est la ressource des ames froides, des dessinateurs médiocres, & doit être regardé comme une manière vicieuse toutes les fois qu’elle est générale & universellement employée dans un ouvrage. (Article de M. Robin.)

FO

FOIBLE. (adj.) Ce mot ne se prend ordinai-


rement dans un sens absolu qu’en parlant de l’effet & de la couleur. Ce tableau est foible, c’est-à-dire que la couleur en est peu piquante, que l’effet n’en est pas vigoureux.

Si l’on veut parler de quelqu’autre sorte de foiblesse, il faut la spécifier. Ce tableau est foible de dessin, foible le composition, foible d’expression.

Un tableau foible d’effet peut être écrasé par un ouvrage inférieur, mais plus vigoureux. Il en est comme de ces hommes de mérite à qui la timidité permet à peine d’élever la voix dans, la société ; ils se voyent souvent préférer l’homme dont le plus grand mérite est celui de se faire valoir. (Article de M. Levesque.)

FOIBLESSE. (subst. fém.) Ce mot a une signification précise dans les arts, qui demande à être expliquée. Ce seroit mal-à-propos qu’on l’employeroit pour désigner ce qui est mauvais.

Un ouvrage à qui l’on reproche de la foiblesse peut être celui d’un talent qui entre dans la route du grand ; mais qui n’est pas encore assez consommé pour avoir toute la pureté ou la fermeté qui caractérisent les ouvrages du premier mérite, ou bien la foiblesse est la marque de l’âge & se sent de sa caducité.

Pour exemple de la première signification du mot foiblesse, nous citerons le tableau de le Brun au Palais Royal fait, dit-on, à dix-huit ans ; il est plein de chaleur ; mais il montre le défaut d’acquis dans le dessin. Celui que le Poussin a fait pour les Capucins de Blois a de la mollesse, de la discordance, des incorrections ; mais il décèle par-tout le jeune talent.

Les quatre tableaux des saisons de ce célèbre artiste, qui sont de la collection du Roi ; la Madeleine de Mignard aux Théatins, ont de la mollesse & de la pesanteur, vices des artistes vieillards.

Tous ces tableaux sont foibles, non parce qu’ils sont faux, vrai caractère des mauvais tableaux, mais parce que les vérités y sont foiblement exprimées.

Ainsi, telle est la distinction d’un ouvrage de l’art qu’on nomme mauvais, d’avec celui qui est foible, que celui-ci peut partir d’un esprit juste qui entre dans la route de la beauté, ou qui ne peut plus s’y soutenir, au lieu qu’une mauvaise production est celle d’un esprit qui ne connoît le chemin du naturel dans aucune partie, & qui néanmoins exécute avec une hardiesse qui décèle le faux jugement & l’effronterie du charlatan. Les exemples de ces imposteurs ne sont rares ni en sculpture ni en peinture.

Les mots foible, foiblement, foiblir ne sont que des différences grammaticales de la foiblesse