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3o6 F L E de la reine des fleurs l’objet principal d’une composition.

Au reste chacune des deux manières dont j’ai parlé a ses écueils. En effet, si le peintre du genre le plus noble, fier de sa prééminence, traite avec une sorte de dédain & d’un pinceau trop négligé des objets aussi précieux que les fleurs ; s’il croit les rappeller assez par des à-peu-près, des formes négligemment caractérisées, des teintes trop sacrifiées, cette hauteur déplacée nuira plus qu’on ne pense à son ouvrage. D’une autre part, le peintre soigneux qui veut rendre jusqu’aux plus petits détails de chaque fleur, de chaque feuille, de chaque fruit qu’il représente, & qui en fait successivement pour lui un objet principal, tandis qu’il ne doit y en avoir qu’un seul dans son ouvrage, risque d’être froid, & de manquer le succès qu’il desire.

On a vu plus d’une fois les peintres de fleurs prêter leur secours aux peintres d’un autre genre, même à des peintres d’histoire. Ces unions peuvent être avantageuses dans la peinture à ceux qui les forment, sur-tout s’ils sont doués de vrais talens, & s’ils possèdent les connoissances fondamentales de l’art. Car le peintre d’histoire se trouve alors comme forcé de terminer advantage, & le peintre de fleurs de mettre dans son faire plus de liberté & plus d’esprit. C’est ainsi que les hommes aimables, lians & doux acquèrent de l’énergie en fréquentant les hommes austères, & donnent à ceux-ci plus d’agrément & de flexibilité. C’est ainsi que les unions heureuses modifient les caractères & rendent plus parfaits ceux qui ont le bonheur de les former & d’en connoître les avantages.

Il est différens genres de perfections propres aux différentes manières de traiter chaque objet ; mais il est aussi des défauts qui leur sont attachés. La sécheresse, le froid, la mollesse sont les & écueils du peintre précieux ; l’indécision des formes, celle des teintes, une touche trop prononcée, sont les défauts que doit craindre dre le peintre dont la manière est plus spirituelle & plus libre.

Desportes, Baptiste, Michel-Ange des Batailles, Mario de’ Fiori ont atteint dans leurs beaux ouvrages la perfection de cette manière libre & savante. Van-Huysum a lutté contre la nature, ne se contentant pas de l’indiquer & voulant l’égaler. Les premiers avec une touche fière, un pinceau mâle, un procédé prompt, ont su transmettre l’idée, plutôt qu’ils n’ont donné la représentation précise de la légèreté des fleurs, & des différentes substances dont sont composés les fruits ; l’œil croit toucher la mollesse de la figue en sa maturité, les rugosités de l’écorce du melon, la fraîcheur de sa pulpe, que que tout cela ne soit, pour ainsi dire, que désigné. Van Huysum, avec moins de prestige


& non moins d’art, offre effectivement le duvet de la pêche, le velouté fin & transparent de la rose, la l’impidité d’une goutte d’eau, les masses presqu’imperceptibles d’un nid d’oiseau ; &, dans l’incertitude où vous jette son charme magique, tantôt vous êtes tenté de porter la main sur l’imitation trompeuse, tantôt vous craignez de flétrir par le toucher le plus délicat une image si précieuse.

Jeunes artistes qui vous êtes consacrés à ce genre, si vous portez envie à la variété des autres genres qui semblent offrir la ressource d’un plus grand nombre d’objets, & les richesses d’accidens plus multipliés, si cette idée vous refroidit sur les bornes qui vous semblent prescrites, songez qu’elles sont plutôt celles de votre talent que de votre genre. Vous travailleriez tout votre vie avec la plus grande assiduité, sans pouvoir épuiser les combinaisons dans lesquelles vous vous êtes restreint, & il ne s’agit peut-être pour vous détromper & vous rendre le courage, que de vous en ouvrir les sources. (Article de M. Watelet.)

FLOU. A considérer ce mot grammaticalement, on ne sait à quelle classe le rapporter. Il est adverbe dans cette façon de s’exprimer, il peint flou ; il semble être adjectif dans ces phrases, cela est flou, ce tableau est flou ; cependant il n’a pas de féminin & on ne peut dire, cette figure estfloue. (L)

Il semble cependant que ce soit un vieux mot qui vient de l’adjctif latin fluidus ; il exprime la douceur, le goût moëleux, tendre & suave qu’un peintre habile met dans son ouvrage. On trouve floup dans Villon, & Borel croit qu’il signifie flouet, c’est-à-dire mollet, délicat. Quoi qu’il en soit, peindreflou, c’est noyer les teintes avec légèreté, avec suavité avec amour ; c’est le contraire de peindre durement & séchement. (Le Chevalier de JAUCOURT, dans l’ancienne Encyclopédie.)

Le mot flou n’a d’autre but que de désigner un certain caractère doux & un peu vague dans l’harmonie de la couleur d’un tableau. On ne peut dire autre chose à ceux qui n’ont pas un grand usage de la peinture, & qui ne s’occupent pas de la pratique de cet art, sinon que ce mot étant fort difficile à bien comprendre, il est à propos qu’ils n’en usent que bien rarement, pour ne pas l’employer mal-à-propos. Quant aux artistes, & sur-tout aux élèves, s’ils ont du penchant à peindre flou, ils ne doivent pas oublier que cette sorte de mérite est bien voisine d’un vice, & que s’ils ne remplissent pas bien précisément ce qu’on entend par peindre flou, ils tomberont dans un coloris indéterminé, & dans la mollesse da faire, & qu’en cherchant à plaire à la portion du public dans laquelle ne se trouvent pas leurs véritables juges, ils