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FER

On comprendra fans doute que nous n’attaquons ici que l’abus & l’excès de la fécondité. L T n artifte aflîdu, s’il eft né avec des dilpofttions ïeureufes, acquerra affez de facilité pour produire un grand nombre d’ouvrages. Le Pojffin , qui n’a jamais emprunté le fecours d’une main étrangère , peut être mis au nombre des araires féconds. Mais le précepte de Boileau convient aufïï bien aux artiftes qu’aux poètes. Hâtez-vous lentement quclqu’ordre qui vous preffc , Et ne tous piquei pas d’une folle vîteffe. ( Article de M. Levesque. )

FERME, (adj. ) FERMETÉ ( fubft. fém. ). La fermeté eft le contraire de la molhjfk , & eft oppofée à l’indécifion. Le favant artifte fait où il doit pofer la touche ; il a donc une touche/irme & : décidée. Celui qui n’a pas une connoiffance affez profonde de fon art & de la nature , fait en tâtonnant ce que l’autre exécute avec sûreté , & fa touche eft indécife. Il voudroit difïïmuler fan ignorance ; il craint en quelque forte de prononcer ce qui ne fera peut-être qu’une erreur , & fa touche eft molle. On établit les maffes avec fermeté , quand on poffède bien la théorie des effets ; on héfite fur l’établiffement des maffes, quand on n’a fur les effets qu’une théorie incertaine.

Pour fe diftinguer par un pinceau ferme , il faut avoir d’avance dans l’efprit ce qu’on veut faire exécuter au pinceau. On aura un pinceau mou, £ï l’on eft obligé de chercher fur la toile ce qui devroit être dans la penfée , fi l’on ne fait pas ce que l’on va produire avant de l’avoir produit , & le réfultat de cette opération indécife fera de fatiguer la couleur. L’artifte eft menacé d’avoir tous ces défauts , fi , content d’étudier la théorie de fon art , il néglige de le pratiquer avec affez de confiance : car la. fermeté des opérations manuelles de l’art fuppofe l’habitude d’opérer. On a connu de tout temps des artiftes qui fe faifotent admirer quand ils partaient de leur art, & qui étoient loin d’exciter l’admiration quand ils vouloient le pratiquer. On en a vu qui donnant de grandes efpérances au commencement de leur carrière , les ont détruites quand ils eurent acquis des connoiffances plus étendues de l’art , parce que n’ayant pas la tête affez faine pour mettre en bon ordre ces connoiffances trop multipliées pour eux , ils en étoient embarraffés quand ils vouloient en faire ufage.

La fermeté du pinceau , celle de la touche , fuppofent l’affurance de la main. On perd ces qualités quand on n’opère plus que d’une main tremblante & affoiblie. Mais fi la vieilleffe ôte au favant artifte la fermeté de la touche , elle lui en laiïïe la jufteffe. Le peintre qui n’a eu qu’une belle exécution, perd tout avec les années ; le peintre qui a dA fa gloire aux plus grandes Beauv-Aits. Tome I.

FEU 2§p

parties de l’art , conferve encore de quoi la feutenir. C’étoit d’une ma-n tiemblante- que le Poufïin peignoit ion célèbre tableau du déluge : quand on le regarde à une diftance convenable , on admire le génie de l’artifte ; quand on le confidère de près , on reconnoit l’infirmité du vieillard -, un femiment de compaffion pour 1^ grand artifte fe mêle à la fenfation qu’excite le chef-d’œuvre, & la rend encore plus vive. ( Article de M. Levesque.)

FEU ( fubft. mafc. ) terme de la langue générale pris au figuré dans les langages de tous les arts..

On écrit avec feu des vers , des compofitions d’éloquence , on peint a.vecfeu ;8c ce mot qu’on employé affez fouvent comme fynonyme d’enthoufiafme , doit être commun à tous les arts , puifqu’ils ea font tous fufceptibles. On ne peut commander à un artifte de peindre zvecfeu ; c’eft comme fi on lui difoit ; Ayezdu génie. On peut lui dire, vous peignez avec trop de feu, parce qu’on peut confeiller à quelqu’un qui pol’sède un bien de ne pas le prodiguer. On peut donc donner des confeils au génie ; mais le génie reffemble aux paillons ; fans paffions l’homme n’eft rien , mais pour qu’il foit vertueux , il faut qu’elles l’oient maîtrifées. S’il n’y a pas dans l’ame d’un artifte une étincelle du feu des arts , on tenterait envain de l’y allumer ; mais fi ce feu eft trop ardent, le tempérer eft le feul effet-que puiffent produire les froids préceptes.

Quelque artiftes, comme Michel-Ange des’ Batailles , Sneyders , Defportes , fe font diftingués par le feu qu’ils ont répandu même dans les objets de la nature morte , & d’autres comma Weeninx,Hon de Koeter, Mignon, par une vérité précieule, prefque fervile & plus froide. Les premiers , remplis des caractères diftindifs des formes , de la couleur & des accidens principaux , ont indiqué fouvent par une façon de peindre qu’on peut appeller chaude, c’eft-à-dire, avec un pinceau rapide , avec une touche hardie & exprefllve ; ce qu’ils ont dédaigné de rendre avec patience & fidélité d’imitation , les autres manquant de ce feu qui donne à la broffe -une impatience créatrice , ont employé toutes leurs facultés à imiter jufques aux moindres détails , à foigner leur manière de peindre , à careffer leur couleur , en confervant l’éclat & le précieux de leurs teintes : ils font vrais & fouvent froids ; les autres font deviner la véritéfans la dire exactement : ainfi dans l’éloquence tel orateur dit tout avec Je plus grand foin, tel autre dit plus en ne difant qu’à moitié -, l’un conduit , l’autre entraîne.

Quant aux objets animés , ils allument le feu du génie des artiftes ; ils les peignent avec chaleur, avec enthoufiafme ,& cette chaleur qui o