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FAR FAT 287


quadrupède, à queue de serpent, sera une fantaisie ; une figure d’homme terminée par une gaîne est une fantaisie. Des figures d’enfans sortant de la tige d’une plante, sont des fantaisies. Ainsi les arabesques, les grotesques entrent dans la classe des fantaisies. Ce sont encore desfantaisies que ces compositions qui représentent des songes dans lesquels on voit des figures se rétrecir, s allonger, & se perdre en vapeurs. Les représentations des métamorphoses commençantes, telles que celle de Daphné dont les pieds tiennent déja à la terre par des racines, & dont la tête, les mains poussent des branches de laurier, celle de Syrinx qui est encore femme en partie, & en partie un faisçeau de roseaux, ont un grand rapport avec les fantaisies.

Comme l’imagination ne peut rien créer, mais seulement disposer & composer les objets que lui a présentée la nature sensible, le peintre de fantaisie est encore soumis à la nature. Il fait un tout compose de parties qu’elle n’offre pas ensemble ; mais du moins ces différentes parties s’y trouvent & doivent y être conformes. Ainsi la partie de Daphné, qui est encore femme, doit représenter une belle femme ; ses pieds changés en racines doivent être étudiés d’après des racines véritables ; les branches de laurier qui naissent de ses mains ; & de sa tête, doivent également représenter la nature.

Le peintre de fantaisies crée quelquefois des plantes, des fleurs qui n’existent pas : mais leurs tiges, leurs calices doivent encore offrir une idée de la nature ; & pour bien faire des plantes, des fleurs fantastiques, il faut avoir bien étudié des plantes & des fleurs naturelles.

Quelquefois une fantaisie peut être une pensée ingénieuse ; telle est celle de l’amour naissant du calice dune fleur.

Huré, graveur en pierres fines, a eu une fantaisie heureuse. Il a fait en agate une tête de Momus. La pointe de son bonnet, qui est celui de la folie, se terminoit par un serpent qui mordoit le front du dieu satyrique. Momus conservoit le rire de la méchanceté, avec l’expression de la douleur.

Ou trouve d’agréables fantaisies dans l’œuvre de Gillot & dans celle de Piranèse. (Article de M. LEVESQUE.

FARINÉ (adj.). On appelle fariné ou farineux, un ouvrage de peinture ou les carnations sont d’une blancheur qui n’est pas dans la nature, où les chairs inanimées ne rappellent pas l’idée du sang qui y circule. La peau la plus blanche n’est pas cependant réellement blanche. L’œil attentif, & sur-tout celui d’un artiste, y découvre une infinité de teintes différentes, causées ou par l’impression de l’air, ou par le séjour ou la transpiration de différentes humeurs, ou par le plus ou moins d’épaisseur des chairs qui recouvrent les parties osseuses on cartilagineuses, &c. Un Tableau généralement fade, & dont les clairs sont pousses jusqu’au blanc, est farineux. On dit d’un peintre qui suit cette manière vicieuse, qu’il donne dans la farine. (L.)

FATIGUER (v. act.). Fatiguer un ouvrage, fatiguer la couleur ; voilà les phrases du langage de la peinture dans lesquelles on se sert le plus ordinairement de ce mot figuré.

Fatiguer un ouvrage, un tableau, une composition, c’est travailler avec, une obstination pénible ; c’est changer, recommencer, tâtonner les dispositions des objets, le trait des figures ; fatiguer la couleur, c’est peindre, repeindre, changer les teintes, les rechanger encore, mettre des clairs où l’on avoit mis des ombres, & mêlant, sans une intention juste & bien préméditée, les tons entr’eux, leur faire perdre la franchise d’où résulte leur fraîcheur & leur éclat.

Changer, ou plutôt corriger, est une peine utile ; mais elle suppose que l’artiste a conçu clairement ce qui manque a son tableau, & encore plus évidemment ce qu’il convient d’y substituer ; alors il ne fatigue pas son ouvrage ainsi l’homme qui conçoit clairement l’action qu’il doit exécuter, après avoir mal réussi la première fois qu’il l’a entreprise, l’exécute enfin fans paroître fatigué.

Changer quelques effets du clair-obscur, & substituer quelques couleurs plus claires ou plus foncées les unes aux autres, est aussi un soin souvent nécessaire & louable ; mais tâtonner ses tons, en mêlant tantôt du blanc pour les éclaircir, tantôt des teintes sombres, pour leur donner plus de valeur, est un travail incertain qui salit les couleurs, & qui imprime dans le faire le témoignage de la peine & de la fatigue qu’on a éprouvées. Le méchanisme, ou plutôt la pratique, apprend aux artistes que les tons passés trop long-tems l’un dans l’autre, par le maniement de la brosse, s’allourdissent & se salissent, en prenant une couleur boueuse, qui ne participe d’aucune de celles qu’on a mêlées ensemble.

La pratique apprend encore que, lorsque changeant quelques parties du clair-obscur d’un tableau, l’on emploie des tons clairs sur des tons obscurs qu’on avoit déjà placés, les tons clairs participent de ceux qui se trouvent recouverts, & que le tems ajoute de plus en plus à cet inconvénient.

J’ajouterai à ces observations qu’il seroit souvent bien plus avantageux à un artiste qui, par incertitude de caractère ou par d’autres raisons, se détermine à faire dans un tableau de grands changemens soit dans le clair-obscur, soit dans la composition, qu’il lui seroit, dis-je, plus avantageux de prendre une autre toile, que de