Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/398

Cette page n’a pas encore été corrigée
ÉPR ÉQU 257


teurs, crurent que le plus sûr moyen d’avoir de bonne, épreuves étoit de s’en procurer une de celles que l’artiste avoit fait tirer avant de faire graver l’inscription qui indique le sujet, &c. c’est ce qu’on appelle épreuve avant la lettre. Comme le graveur ne faisoit tirer de ces épreuves que pour se bien assurer que son travail étoit absolument terminé, elles étoient en fort petit nombre, & la rareté en augmentoit la valeur idéale. Car d’ailleurs il étoit possible qu’aucune de ces épreuves ne valût quelquesunes de celles qui étoient tirées dans la suite avec la lettre. Il pouvoit très-bien arriver que l’imprimeur, même sans savoir comment, eût mis plus d’adresse à encrer & essayer sa planche la centième fois que la première, & que la centième épreuve fût la plus belle : car il y a une sorte de hasard qui préside au tirage des estampes, & quand le cuivre est bon, une planche peut tirer plusieurs centaines d’épreuves d’une égale beauté.

Mais les amateurs, au lien de faire cette réflexion, s’obstinèrent à rechercher les épreuves dont la primauté & la rareté sembloient assurèes par l’absence de la lettre. Tous voulurent en avoir, & les graveurs, les marchands, trouvèrent un moyen facile de les contenter ; ce fut de faire tirer cent, deux cents, trois cents épreuves, & même davantage, avant de faire graver la lettre. Que ces épreuves soient belles ou médiocres, peu importe : elles sont avant la lettre, & l’amateur est content. Le marchand l’est encore davantage, parce qu’il setire promptement de trois centsépreuves avant la lettre, plus que ne lui auroit procuré plus lentement le double avec la lettre. On a aussi l’adresse d’en cacher un certain nombre, & de ne les livrer à l’avidité des amateurs que lorsqu’elles ont acquis une valeur nouvelle par leur prétendue rareté.

L’avarice de Rembrandt lui avoit inspiré une autre charlatanerie ; c’étoit de faire quelques changemens à la planche après en avoir fait tirer un certain nombre d’épreuves, & même d’y donner un effet différent quand elle étoit presqu’usée. On vouloit avoir l’épreuve avant le changement, celle avec le changement, celle avec l’effet nouveau. On imite cette charlatanerie à moins de frais, tantôt en laissant d’abord subsister une faute dans l’inscription & la faisant ensuite corriger ; tantôt en faisant tirer des épreuves avant que quelque faux trait de la marge soit effacé, & faisant ensuite polir cette marge. Quelquefois ces accidens ne sont pas prévus ; mais la cupidité mercantile fait en tirer parti, car c’est un sujet d’émulation entre les amateurs de se procurer une épreuve avec ce qu’ils appellent la remarque.

Quoique ces manœuvres soient étrangères aux arts considérés en eux-mêmes & qu’elles en fassent la honte, elles doivent cependant trouver place dans le dictionnaire des arts, & y être appréciées. (Article de M. Levesque)

ÉQUESTRE (adj.) On dit en sculpture une STATUE EQUESTRE pour signifier une statue représentant un homme à cheval.

Pline attribue aux Grecs l’origine des statues équestres : elles étoient élevées en l’honneur des cavaliers qui avaiont remporté la victoire dans les jeux sacrés. Les Romains ne tardèrent pas à adopter ce genre de statues : ils en élevèrent une à Clélie, ou, suivant un auteur dont Pline rapporte l’opinion, à la fille du Consul Valerius Publicola. Que la figure de cette staute ait été celle de Clélie ou celle de Valérie, elle doit avoir été érigée dans la soixante-huitième olympiade, 507 ans avant notre ère, & par conséquent dans un temps antérieur aux beaux jours de l’art, puisque la sculpture commença sur-tout à fleurir avec Phidias du temps de Périclès, vers la quatre-vingt-troisième olympiade. Il faut ajouter que l’époque où commença la gloire de l’art chez les Grecs doit être bien antérieure à celle où il fleurit en Italie.

Les statues équestres ont toujours été mises au nombre des ouvrages les plus important en sculpture, & par leur proportion qui est ordinairement collossale, & parce qu’étant destinées par l’âge où elles sont faites à consacrer aux âges futurs la mémoire & les traits de personnes très-célèbres, elles paroissent en même temps destinées à réunir l’admiration de la postérité pour le héros & pour l’artiste.

Quoique les anciens aient fait un grand nombre de statues équestres, il ne reste qu’un petit nombre de chevaux antiques en sculpture, & que deux statues équestres, celle de Nonnius Balbus, & celle de Marc-Aurèle, qui est d’un temps où l’art commençoit à dégénérer. Peut-être cette perte ne doit-elle pas exciter des regrets fore vifs ; car il ne semble pas bien prouvé que les anciens sculpteurs aient eu pour l’imitation des chevaux, & des animaux en général, les mêmes talent que pour celle de la figure humaine. L’art de bien représenter des chevaux exige de grandes études ; mais l’homme éroit l’objet constant de l’étude des anciens artistes, & peut-être négligeoient-ils un peu trop le reste de la nature. On pourrait croire que, regardant l’homme comme le vrai modèle de la beauté, ils auroient craint de se distraire par une étude approfondie de tout autre modèle. Cette idée offre assez de grandeur pour n’avoir pas été indigne d’eux.

Les modernes, persuadés que les anciens avoient eu dans l’art tous les genres de succès,

K k