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par des partis décidés. Leurs contours & leurs détails ne seront prononcés qu’à raison de la lumière qui es éclaire. Ce n’est pas toujours la partie la plus proche de l’œil du spectateur qui doit être la plus arrondie, la plus recherchée ; c’est celle que le jour frappe de éclat le plus lumineux.

On ne doit jamais affecter de détourner les lumières & les ombres des endroits où la nature les place. En vain voudroit-on prétexter la singularité de quelqu’accident pittoresque, & faire valoir le droit & les licences du génie ; le beau ne consiste que dans le vrai. S’il est des effets qui partent d’un autre principe, fussent-ils séduisans, ils n’offrent que des beautés factices & manièrées.

Ces principes de l’effet sont en même-temps ceux du clair-obscur, & conviennent à un simple dessin. Les principes de l’effet d’une composition sont à peu de choie près les mêmes. La lumière principale doit toujours y dominer & être soutenue par d’autres lumières subordonnées, elle doit autant qu’il est possible suivre une marche diagonale, & former une chaîne dont l’œil ne perde pas les chaînons.

Des demi-teintes doivent la soutenir. Elles sont les ressorts les plus propres à faire mouvoir une machine pittoresque, & servent également à relever l’éclat des lumières & la fierté des ombres par la subordination de beauté où on les soumet à l’égard des unes, & de force à l’égard des autres. Le volume des masses de demi-teinte doit être plus considérable que celui des lumières, par le principe général qui prescrit que toute masse qui soutient soit plus large que la masse soutenue.

Une masse de demi-teinte peut servir à étendre celle de la lumière ou à faire opposition avec elle. Dans le premier effet, on doit l’opposer à un fond obscur qui la fasse briller ; pour lors elle peut être regardée comme lumière seconde. Dans l’autre, elle doit se détacher sur un fond clair qui lui donne la consistance, la solidité, la valeur dont elle a besoin pour faire un contraste frappant ; mais dans l’une & dans l’autre circonstance, la masse de demi-teinte doit être soutenue par une masse d’ombre, nonseulement plus considérable qu’elle, mais encore plus étendue que la demi-teinte & la lumière réunies ensemble. C’est ce qu’ont pensé & opéré la plupart des grands maîtres qui connoissoient parfaitement la magie des effets.

Les ombres donnent aux demi-teintes l’éclat dont celles-ci font briller la lumière. Elles veulent être traitées d’un ton vague, par masses plates, & ne doivent offrit que de très-légers détails des choses qu’elle voilent.

Les reflets achèvent d’opérer l’illusion que l’artifice des lumières, des demi-teintes & des ombres avoit artistement entamé, un objet ne peut être arrondi sans le secours des reflets ; c’est par leur entremise qu’il prend le plus parfait relief.

Ainsi quatre espèces de masses entrent dans la magie des effets d’une composition ; masses de lumière, masses de demi-teinte, masses d’ombre & masses de reflets. Elles sont toutes d’une égale importance, & ne produisent l’illusion qu’autant qu’elles sont toutes parfaitement entendues. De combien de combinaisons séduisantes ne sontelles pas susceptibles ? De combien d’ingénieuses variétés leur concours ne peut-il pas être la source ?

Une masse de demi-teinte qui relève l’éclat d’un objet lumineux est-elle ici opposée à un fond clair ? Là, elle se trouve en contraste avec un objet vigoureux en brun qui la rend lumineuse elle-même. Non loin ce sont des masses claires qui, par leur couleur propre, se détachent sur un ciel brillant ; plus près, des ombles fières qu’éclairent de tendres reflets. Tantôt, c’est sur un fond suave que se détachent des objets obscurs ; & tantôt c’est sur la plus sombre des forêts, qu’un temple lumineux qui la chasse dans le lointain, paroît, s’avance & repousse sur les premiers plans des grouppes vagues, assaisonnés des touches de brun les plus fortes. Ces partis divers, successivement ramenés & employés à l’appui les uns des autres, peuvent former des effets variés que l’artiste multiplie autant qu’il veut. Il lui suffit de faire attention qu’il n’y a rien d’absolu dans la nature ; que rien n’est clair ou brun, gris ou coloré, grand ou petit, vigoureux ou suave que par le contraste de ce qu’on lui oppose.

A ces principes qui conduisent à l’effet dans le dessin & dans la composition, il faut joindre ceux qui concernent l’illusion des effets que produit la couleur. Lorsque l’artiste aura épuisé sur son ouvrage les beautés de précision & d’exactitude, dont son savoir pittoresque lui permettra de l’enrichir ; que, suivant l’indication de la nature, il colore les objets les uns sur les autres, en leur opposant tantôt des fonds plus clairs, tantôt des couleurs propres plus lumineuses, ou qu’il les détache en les mettant successivement en contraste avec des fonds plus obscurs, & avec des couleurs plus sourdes & plus éteintes.

Qu’il réveille les lumières par des reluisans trompeurs, & par les ombres les plus vigoureuses, distribuées à propos dans les endroits ou les reflets du jour ne sauroient pénétrer. Il faut user de grands stratagêmes pour opérer de grands effets de couleur.

On doit les concevoir, ces effets, par grandes masses. Le moyen assuré de faire illusion, est d’attirer la vue par des accidens larges, soutenus, & réduits, autant qu’il est possible, à


Beaux-Arts. Tome I. H h