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ECO Albert Durer avoit une figure aimable, des manières nobles, une conversation spirituelle & enjouée, & il eut l’art de vivre avec les grands fans déplaire à ses égaux. Il fut estimé de l’Empereur Maximilien qui l’anoblit, de l’Empereur Charles V & de Ferdinand, Roi de Hongrie & de Bohême ; mais, ce qui est plus glorieux pour un artiste, il fut loué de Raphaël. Il mourut à l’âge de 57 ans, dans cette même ville de Nuremberg où il avoit pris naissance. On attribue sa fin prématurée au chagrin que lui causa l’humeur difficile de sa femme.

JEAN HOLBÉEN, qu’on écrit souvent Holbein, étoit originaire d’Ausbourg & naquit à Bâle, en Suisse, en 1498. Il eut pour maître son père qui étoit un peintre médiocre, & se perfectionna de lui même. Il alla en Angleterre par le conseil d’Erasme, son ami ; & Henri VIII, qui admira ses ouvrages, lui donna le titre de son peintre. Il peignoit à l’huile, en détrempe & à gouasse ; on a de lui de grandes compositions historiques qui sont estimées, mais il excella sur-tout dans le portrait, & il rendoit très-bien les étoffes. Sa couleur est fraîche & brillante, & il donnoit à ses ouvrages un grand fini ; mais, dans les sujets historiques, ses draperies ne sont pas d’un meilleur goût que celles, d’Albert Durer ; elles sont de même cassées & boudinées. Il eut, comme le patriarche de l’école allemande, le malheur d’être tourmenté par l’humeur impérieuse de sa femme ; mais elle le servit bien par ses caprices, car ce fut pour s’y soustraire qu’il alla à Londres où il fit une fortune qu’il n’auroit pu espérer dans son pays. Il y mourut de la peste en 1554, à l’âge de cinquante-six ans. Rubens disoit qu’il y avoit beaucoup à profiter dans les ouvrages de Holbeen, & sur-tout dans sa danse des morts, peinte à Bâle.

L’ÈCOLE FLAMANDE mériteroit la reconnoissance des amateurs des arts, quand on ne lui devroit que l’invention de la peinture à l’huile. Ce procédé, qui donne aux tableaux un éclat que n’avoit pas la détrempe, fut trouvé par JEAN VAN-EYCK, né à Maaseyk sur les bords de la Meuse en 1370. Il eut pour maître son frère HUBERT, né en 1366, ou plutôt ils furent tous deux élèves de leur père. Ils avoient une sœur nommée Marguerite qui cultivoit aussi la peinture, & qui refusa constament de se marier pour n’etre pas distraite par des soins étrangers à son art, de l’assiduité qu’il exige.

Jean & Hubert travaillèrent long-temps ensemble & se firent un nom par leurs travaux communs : mais quand le plus jeune travailla seul, on rendit unanimement hommage à sa supériorité.

Il joignoit à la pratique de son art la culture des sciences, & se plaisoit sur-tout à la chymie. La première découverte qu’elle lui procura fut celle d’un vernis qui, appliqué sur ses ouvrages, leur donnoit plus de vivacité ; mais il ne tarda pas à reconnoitre les inconvéniens de ce secret dont il s’étoit d’abord applaudi. Le vernis ne se séchoit pas de lui-même, il falloit exposer les tableaux au feu ou à la plus grande ardeur du soleil. Un jour qu’il faisoit secher ainsi un ouvrage peint sur bois & qui lui avoit donné beaucoup de peine, la chaleur fendit en deux le panneau. Le regret d’avoir perdu en un instant le fruit d’un long travail le fit recourir à de nouvelles opérations chymiques. Il rechercha si, par le moyen des-huiles cuites, il ne pourroit pas parvenir à faire sécher ses vernis sans le secours du soleil ou du feu. Il se servit, dit M. Descamps, des huiles de noix & de lin comme les plus sécatives ; & en les faisant cuire avec d’autres drogues, il cemposa un vernis beaucoup plus beau que le premier. De nouveaux essais lui apprirent que les couleurs se mêlent plus facilement avec l’huile, qu’avec la colle ou le blanc d’œuf dont il s’étoit servi jusques-là, qu’elles conservoient, en se séchant, le même ton qu’elles avoient au moment du travail, & qu’elles avoient de l’éclat par elles-mêmes sans qu’il fût nécessaire d’y ajouter un vernis. Tant d’avantages lui firent préférer sa nouvelle découverte à l’ancien usage de la colle ou de l’eau d’œufs, & la vivacité qu’elle prêtoit à ses tableaux ajouta beaucoup à sa réputation.

Jean Van-Eyck se fixa à Bruges, qui étoit alors une des villes de l’Europe les plus florissantes par le commerce ; c’est à son séjour en cette ville qu’il doit le nom de JEAN DE BRUGES sous lequel il est plus connu que sous son nom propre. Il pouvoit à peine suffire à l’empressement des seigneurs Flamands & étrangers qui desiroient avoir de ses tableaux. L’un de ses ouvrages fut acheté par des marchands de Florence pour Alfonse, Roi de Naples, & fit le désespoir des peintres de l’Italie ; mais Antoine de Messine, plus ardent que les autres, entreprit le voyage de Flandre pour tacher d’obtenir l’amitié & le secret de l’auteur : nous avons vu, en parlant de l’école Florentine ; que le succès récompensa son zèle.

Jean de Bruges peignoit le portrait, le paysage, l’histoire. Le plus considérable de ses tableaux est celui de Saint Jean qu’il fit pour Philippe-le-Bon, Duc de Bourgogne. On y compte trois cents trente têtes, toute variées.

Son goût est sec, sa manière de draper est gothique de même que son dessin. Il ne savoit rendre par masses ni les cheveux des hommes, ni les crins des chevaux. Au lieu d’unir & de fondre les couleurs, il employoit les couleurs pures & entières jusques dans les ombres. Cette manière fausse, ces tons crads donnent