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manière Romaine ; d’autres ont cherché celle des peintres Vénitiens ; quelques-uns se sont distingués par une manière qu’ils paroissent ne devoir qu’à eux-mêmes. Quel est, de tant de styles différens, celui qui caractérisera notre école ? En parlant généralement, & laissant à part les exceptions, on diroit peut-être que son caractère est de n’avoir pas de caractère particulier, mais de se distinguer par son aptitude à imiter celui qu’elle veut prendre. On pourroit encore, en ne la considérant toujours qu’en général, dire qu’elle réunit en un degré moyen les différentes parties de l’art, sans se distinguer par aucune partie spéciale, ni en porter aucune à un degré éminent.

Il ne seroit pas plus aise de marquer le tems où la peinture a commencé parmi nous. On sait que la France avoit très-anciennement des peintres sur vitres & des peintres en miniatures ; & que même, dans ces deux genres, l’Italie eut quelquefois recours à nos artistes. Enfin, quand François Ier. manda le Rosso ou maître Roux, Florentin, & le Primatice, Polonois, elle possédoit un assez grand nombre de peintres qui ne se distinguoient pas, il est vrai, par un talent supérieur, mais qui furent du moins en état de travailler sous ces maîtres étrangers.

Le plus ancien des peintres françois qui ait laissé un nom est JEAN COUSIN, qui exerça le plus fouvent son talent sur des vitres, mais qui s’est aussi distingué par des tableaux. On regarde celui du jugement dernier, dans la sacristie des Minimes du bois de Vincennes, comme un témoignage de la fertilité de son génie : ce morceau est gravé Jean Cousin exerçoit aussi la sculpture. Il étoit correct, mais peu élégant dans son dessin.

La peinture, quelque tems encouragée par François Ier, tomba dans un état de langueur, d’où elle ne put se relever que sous le règne de Louis XIII. Ce fut alors que florit JACQUES BLANCHARD, formé à l’école de Venise, & que nous appellons le Titien François. Comme il est mort jeune, & sans avoir laissé ; d’élèves qui aient perpétué son talent, on peut le regarder comme un bon artiste isolé, & non comme l’un des instituteurs de l’école françoise.

La France n’a pas non plus le bonheur de pouvoir compter entre les maîtres de son école, l’un des plus grands peintres, ou le plus grand peut-étre, qu’elle ait produit. Comme c’est presque toujours en Italie qu’il a exercé ses talens, l’Italie le revendique : mais la France, fière de lui avoir donné la naissance & la première éducation, se console de ne pouvoir le compter au nombre des fondateurs de son école, en le comptant du moins au nombre de ses artistes.

On entend bien que nous parons du Poussin, que les François appellent le Raphaël de la France, mais qui n’eut pas d’école & ne laissa pas d’élèves comme le peintre d’Urbin.

NICOLAS POUSSIN, naquit à Andely en Normandie eu 1594 d’une famille originaire de Soissons. Son pere étoit noble, mais sans fortune. Le jeune Poussin, pendant le cours de ses études littéraires, manifesta son goût pour le dessin, & il y fit des progrès rapides dès qu’il eut obtenu de son père la permission de s’y livrer. Il quitta vers l’âge de dix-huit ans la province où il avoit pris naissance, pour venir à Paris chercher des maîtres ; mais, comme nous l’avons dit, l’art y étoit dans un état de langueur. Poussin prit successivement les leçons de deux peintres dont l’un étoit sans talent, & l’autre avoit seulement quelqu’habileté dans le portrait. Il ne tarda pas à reconnoître le peu de fruit qu’il pourroit recueillir sous de tels instituteurs, & les quitta au bout de quelques mois. Il avoit appris sous eux la manœuvre de l’art, & il n’eut plus d’autres maîtres que des estampes gravées d’après Raphaël & Jules-Romain. Ses desirs s’élançoient vers Rome, il en entreprit deux foi le voyage, différens obstacles le forcèrent à l’interrompre.

Enfin, après avoir fait dans la capitale & dans les provinces des travaux mal récompensés, il connut à Paris le Cavalier Marin, célèbre par le poëme d’Adonis, où il a répandu avec tant de profusion tout l’éclat & tout l’abus de l’esprit. Le Cavalier reconnut dans le jeune Poussin un peintre vraiment poëte ; & comme l’amour-propre a toujours la principale influence sur les jugemens des hommes, il sentit d’autant plus d’inclination à l’estimer, que l’artiste se plaisoit à dessiner des sujets tirés de l’Adonis. Il alloit retourner à Rome, & lui offrit de l’y conduire ; mais Poussin étoit retenu à Paris par quelques ouvrages commencés, & entr’autres par le tableau représentant la mort de la Vierge qu’il faisoit pour l’Eglise de Notre-Dame. Dès qu’il fut libre, il entreprit pour la troisième fois le voyage de Rome, & y arriva, à l’âge de trente ans, au printems de l’année 1624.

Il y retrouva le Cavalier Marin, mais prêt à partir pour Naples, où il mourut bientôt après. Il fut connu, par son moyen, du Cardinal Barberin, neveu d’Urbain VIII ; mais ce Cardinal alloit partir pour ses légations. Ainsi le Poussin, déjà hors de la première jeunesse, se trouva dans une ville étrangère, sans connoissances ; sans appui, sans aucune autre ressource qu’un talent qui devoit être mal apprécié parce qu’aucun prôneur ne le faisoit valoir. Réduit à un état de misère qui auroit plongé dans le désespoir une ame foible, pouvant à peine tirer de ses ouvrages le prix que lui coûtoient