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ÉCO ÉCO 219

Nous avons parlé ailleurs de l’art avec lequel il a traité les draperies : voyez DRAPERIES. Il est inutile de s’arrêter à l’harmonie de ses ouvrages ; comme il n’a jamais songé au délicat & au gracieux, mais toujours à l’expression, il s’est peu occupé de l’harmonie. Ce n’est pas qu’on ne puisse en trouver dans ses tableaux ; mais elle est plutôt un effet de l’imitation de la nature, que le fruit de ses talens particuliers dans cette partie.

ÉCOLE VÉNITIENNE . Cette école est l’élève de la nature. Les peintres Vénitiens n’ayant pas sous les yeux comme ceux de Rome, des restes de l’art antique, manquerent de leçons pour se faire une juste idée de la beauté des formes & de celle de l’expression. Ils copièrent sans choix les formes de la nature ; mats ils furent sur-tout frappés des beautés qu’elle offroit dans le mêlange & la variété de ses couleurs. N’étant point distraits de cette partie si flatteuse par d’autres parties d’un ordre supérieur, ils y donnèrent toute leur attention, & se distinguèrent par le coloris. Ils ne se contentèrent pas de caractériser les objets par comparaison, en faisant valoir la couleur propre del’un par la couleur propre de l’autre ; mais ils cherchèrent encore par le rapprochement, l’accord ou l’opposition des objets colorés, par le contraste de la lumière, & de sa privation à produire une vigueur piquante, à appeller & à fixer le regard.

Ce DOMINIQUE que nous avons vu périr si malheureusement à Florence par la jalouse cupidité d’André Castagna, ce Dominique qui fut le second artiste Italien qui possédât l’art encore secret de peindre en huile, avoit eu pour élève, avant de quitter Venise, sa patrie, JACQUES BELLIN, qui mourut en 1470, & qu’on ne connoît que par l’éducation pittoresque qu’il donna à GENTIL & JEAN Bellin ses fils.

Gentil, qui étoit l’aîné, peignit sur-tout en détrempe. On sait qu’il fut mandé à Constantinople par Mahomet II. Il fit voir à ce conquérant un tableau de la décolation de Saint-Jean qu’il venoit de peindre. Le héros barbare critiqua le cou de la figure, soutint au peintre que la peau se retire en cette partie aussitôt que la tête a été séparée du tronc, & pour joindre la démonstration au principe, il se fit amener un esclave auquel il fit trancher la tête. Bellin frémit de cette leçon, & pour n’être plus exposé à en recevoir de semblables, il revint à Florence où il mourut en 1501.

Jean contribua beaucoup aux progrès de son art en peignant constamment en huile & d’après nature. Quoiqu’il ait toujours conservé une grande sècheresse, il en eut cependant beaucoup moins que son pere & son frere, & l’on voit dans ses ouvrages une grande propreté de couleur, & un commencement d’har-


monie. Son goût de dessin est gothique, ses airs de tête assez nobles, ses attitudes d’un mauvais choix, ses figures sans expression.

Il eut pour disciple le Giorgione & le Titien.

Le GIORGIONE se distingua par un travail facile & un dessin d’un meilleur goût que celui de son maître, mais sur tour par le degré auquel il porta le coloris. Il ne vêcut que trente-deux ans, & excita l’émulation du Titien qui ne tarda pas à le surpasser.

TIZIANO VECELLI, que les François nomment le TITIEN, naquit d’une famille noble à Cador dans le Frioul en 1477. Il fut remis dès son enfance aux soins d’un oncle qui demeuroit à Venise & qui le plaça dans l’ecole de Jean Bellin. Il y apprit à suivre servilement la nature ; mais quand il eut vu les ouvrages du Giorgione, il commença à chercher l’idéal dans la couleur. En 1546 il fut appellé à Rome par le Cardinal Farnèse pour faire le portrait du Pape. Il mourut de la peste en 1576 âgé de 99 ans.

Si dans ses tableaux d’histoire, on veut trouver en lui un historien, il paroîtra fort infidèle, comme tous les artistes de la même école. Il ne cherchoit ni la vérité de la scène, ni celle du costume, ni l’expression que suppose le sujet, ni les autres convenances qu’on voit avec tant de plaisir dans les ouvrages des artistes qui ont été curieux d’étudier l’antiquité. Enfin on ne trouvera en lui qu’un très-grand peintre & rien de plus.

Quoiqu’on ne le place pas dans la classe des grands dessinateurs, il ne faut pas croire qu’il n’ait pas su bien dessiner. On l’a quelquefois calomnié à cet égard en lui attribuant des ouvrages qui ne sont pas de lui, ou en le jugeant sur quelques-uns de ceux où il s’est négligé. Tous les peintres de ce temps avoient reçu de leur éducation la justesse du coup d’œil & la facilité de rendre tout ce qu’ils se proposoient d’imiter. Comme le Titien ne se proposa que l’imitation de la nature, il représenta de belles formes quand elles lui furent offertes par le modèle, & il cessa d’être beau quand ses modèles manquèrent de beauté. S’il avoit eu, comme Raphaël, l’amour du beau, si cet amour lui avoit été inspiré par la connoissance de l’antique qui lui manquoit, il auroit choisi dans la nature ce qui méritoit sur tout d’être imité, il auroit égalé dans le dessin Raphaël & tous les peintres les plus célèbres.

Mais quoiqu’il ne mérite pas d’être placé entre les artistes qui se sont distingués par l’excellence du choix, il ne semble pas avoit tour-à-fait manqué du sentiment de la grandeur & de la noblesse. Il a souvent cherché dans les figures d’hommes la grandiosité : mais si quelquefois,