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elles n’ont pas celles des beautés de la nature humaine qui tiennent à sa foiblesse, mais elles représentent, sous la forme humaine, des êtres plus fiers, plus vigoureux, moins voisins de la mort. Ses idées semblent s’être exhalées comme des jets de feu de son génie inépuisable.

Mais il faut avouer que ses expressions, grandes & fières, sont en même-tems peu naturelles ; ses attitudes sont d’un choix souvent désagréable ; ses draperies sont adhérentes à la peau ; son coloris tient de la brique pour les clairs, & tend au noir dans les ombres. Avec tous les défauts qu’il avoit comme peintre, & le peu de grace qu’il mettoit dans son dessin, on peut croire qu’il auroit perdu de sa réputation, si elle n’avoit pas été soutenue par toutes les sortes de mérites qu’il réunissoit. Mais au nom de Michel-Ange, on se rappelle à la fois le peintre, le statuaire, l’architecte, l’ingénieur, & l’imagination surprise ne sait plus qu’admirer.

Il mourut à Rome en 1564, âgé de quatre-vingt-dix ans.

ECOLE ROMAINE . L’ancienne Rome, riche des ouvrages apportés de la Grèce, ou faits dans son sein par des artistes Grecs, a laissé dans ses débris à la Rome moderne les élémens de la gloire à laquelle elle s’est élevée dans les arts. C’est par l’étude des antiques que se sont formés ses artistes. Ils y ont trouvé la science du dessin, la suprême beauté des formes, la grandeur du style, la justesse des expressions portées seulement jusqu’au degré où elles ne détruisent pas trop la beauté. Ils y ont même trouvé les principes de l’art de draper, & ils ont suivi ces principes, en adoptant cependant pour la peinture des drapperies plus larges & plus flottantes que celles qui avoient convenu aux sculpteurs de l’antiquité. Ce sont les parties que nous venons de détailler, & la science de la composition qu’il faut chercher dans l’école Romaine. Elle s’y est livrée toute entière comme aux principales parties de l’art, à celles qui en constituent sur-tout le génie & la majesté, & ne s’est occupée du coloris qu’autant qu’il le falloit pour établir une différence entre la peinture & la sculpture, ou entre la peinture variée dans les couleurs & la peinture en clairobscur. « Ce n’est pas une merveille, dit Félibien, si le goût romain étant extrêmement occupé de toutes ces parties, le coloris, qui ne vient que le dernier, n’y trouve plus de place. L’esprit de l’homme est trop borné, & la vie est trop courte, pour approfondir toutes les parties de la peinture, & les posséder parfaitement toutes à la fois. »

PIETRE PÉRUGIN, ainsi nommé parce qu’il étoit de Pérouse, est le Patriarche de l’école Romaine. Il commença les études de son art dans son pays, sous un Peintre qui lui donnoit fort durement de très-foibles leçons. Il alla ensuite à Florence, & entra à l’école de Verrochio, où il se trouva avec Léonard du Vinci. Il travailla longtems en cette ville, & retourna exercer son art dans sa patrie. Il avoit appris de Verrochio à donner de la grace aux têtes, sur-tout à celles de femmes ; & quoiqu’il ait toujours conservé de la sécheresse, il en eut cependant moins que son maître. Il eut une grande réputatation & fut chargé d’ouvrages considérables ; mais sa gloire est sur-tout fondée sur le grand nom de Raphaël, son disciple. Il mourut en 1524, à l’âge de 78 ans.

RAPHAEL SANZIO nâquit à Urbin en 1483. Son pere étoit un Peintre médiocre qui lui donna les premierès leçons de son art, & le plaça ensuite dans l’école de Pietre Pérugin : mais Raphaël eut en effet pour maître toutes les leçons que purent lui donner & les anciens & ses prédécesseurs & ses contemporains & la nature. Ses talens, son caractère, son esprit, sa politesse lui donnèrent une telle considération, que le Cardinal de Sainte Bibiane lui offrit sa nièce en mariage Mais Raphaël avoit une plus haute ambition, & le Peintre d’Urbin aspiroit à se placer entre les Princes de l’Eglise. Il avoit reçu de Léon X l’espérance d’obtenir le chapeau de Cardinal, & il seroit peut-être parvenu à cet éminent honneur, si sa vie eût été prolongée. Il mourut en 1520, à l’âge de 37 ans, des excès où l’avoit entrainé sa passion pour les femmes.

Raphaël ne fut pas tout de suite un grand homme. Il eut ses différens âges, & il fallut qu’il s’essayât avant de pouvoir exprimer sa pensee : on pourroit dire même qu’avant d’exercer pleinement le grand art dont il laissa de si beaux modêles, il falloit qu’il l’inventât. Sa première manière fut celle du Pérugin, son maître : mais il fit deux voyages à Florence pour y étudier les grands artistes qui florissoient alors en cette ville. Pendant une absence de Michel-Ange qui peignoit à Rome la chapelle Sixte, Bramante, Architecte du Pape & oncle de Raphaël, prêta à son neveu les clefs de cette chapelle, pour qu’il y pût voir les ouvrages commencés par le Peintre Florentin : ce spectacle éclaira le jeune Peintre d’Urbin qui changea de maniere & donna à son dessin plus de force & de grandiosité. On prétendit même que c’étoit à l’imitation de Michel-Ange qu’il avoit fait à Notre-Dame de la Paix les Prophêtes & les Sybilles. Michel-Ange fit plaignit de l’infidélité du Bramante ; son parti fit retentir l’accusation de plagiat ; mais depuis près de trois siècles, les chefs-d’œuvre de Michel-Ange & de Raphaël sont exposés dans Rome à la vue de tout le monde, & comme le remarque Félibien, on n’a pas encore vu de larron assez habile, pour commettre de semblables larcins.

Ce fut un bonheur pour Raphaël, dit Mengs que nous suivons pas à pas dans cet article, de


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