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d’après lequel elles sont faites, & qui n’ont cependant aucun mérite remarquable par rapport au travail de la pointe. Le trait & l’effet s’y trouve, mais la manœuvre n’en a rien d’aimable ni de piquant. Telles sont les gravures de Michel Dorigny d’après le Vouet son beaupère : je placerois encore dans cette classe, mais dans un rang supérieur, les estampes de Pesne, d’après le Poussin.

On établit mal avec des paroles le mérite des ouvrages des arts. Le lecteur qui voudra sentir le mérite des eaux-fortes, doit considérer avec une sorte d’étude celles du Bénedette, du Rembrandt, de Labelle, de Callot, de le Clerc, de Smidt, & de différens peintres. Ce ne sera qu’après s’être familiarisé avec ce genre, qu’il commencera à aimer celles de Vandick, quoique peu soignées. Il ne négligera pas non plus celles d’Annibal Carrache, ni du Guide, &c. quoique la manœuvre en soit un peu froide. Les estampes de Gérard Audran lui offriront le mêlange le plus pittoresque de la pointe & du burin. En vain de brillans ouvriers employeront tout le prestige, tout le charlatanisme de leur métier pour corrompre le goût du public sur le vrai mérite de la gravure : il restera toujours de vrais connoisseurs qui conserveront la palme à ce grand artiste.

Duchange ne possédoit pas au même dégré que Gérard Audran la partie pittoresque de l’eau-forte ; mais il avoit un très-bon goût. Cet artiste, & les graveurs de son école laissoient badiner & briller l’eau-forte sur les parties claires de leurs estampes & dans les lointains. On a perdu cette pratique, & l’on réserve aujourd’hui ces parties pour le travail du burin pur. On se plaît à faire triompher le métier dans les parties mêmes qui auroient tant de grace si elles étoient réservées à l’art-

Il semble, en général, que les graveurs ne se servent aujourd’hui de l’eau-forte que parce qu’ils ne sont pas assez familiers avec le burin pour ébaucher leurs planches sans le secours de la pointe. Les grands maîtres en gravure se servoient de la pointe, parce qu’ils sentoient tout ce que le mêlange de ses travaux avec ceux du burin pouvoit ajouter de pittoresque à leurs ouvrages. Ce n’est pas la peine d’établir des travaux à la pointe, pour que le burin les efface entièrement. On a vu des graveurs plus sensibles à la variété des ressources de l’art qu’aux alléchemens du métier, donner à leurs travaux au burin le désordre pittoresque & la brutalité des travaux à l’eau-forte. On en trouvera de beaux exemples dans les estampes de Bolswert. Il gravoit les tableaux de Rubens sous les yeux de ce grand maître ; & Rubens n’eût pas applaudi le graveur qui auroit sacrifié une partie des ressources de l’art à la vanité de montrer par-tout des tailles bien brillantes, bien froides & bien léchées, & qui auroit voulu rendre ses tableaux avec les mêmes manœvres qu’il faudroit employer pour rendre des ouvrages d’airain ou d’orfévrerie.

L’eau-forte, c’est-à-dire la pointe doit travailler beaucoup dans le feuillé des arbres, les terrasses, les draperies grossières, les chaumières & toutes les fabriques rustiques : elle doit dominer dans les lointains, parce que l’interposisition de l’air leur donne un vague, une sorte d’indécision & de molesse qui seroit moins bien exprimé par les travaux plus fermes du burin : elle ébauchera avec succes les chairs. Le burin s’acquittera mieux du travail des eaux, du marbre, de l’airain, des vases précieux, des étoffes brillantes. Quelquefois l’eau-forte sera heureusement le dessous du travail, & elle sera recouverte d’une ou de deux tailles au burin qui formeront une sorte de glacis, & accorderont cette ébauche d’eau-forte avec les travaux voisins où le burin sera dominant. Enfin il ne faut pas oublier que la gravure n’est pas seulement un métier, mais un art, & qu’elle doit consulter le goût. (Article de M. Levesque).

É B

ÉBAUCHE, (sust. fém.) ce terme n’est pas synonyme d’esquisse. L’esquisse est la première pensée du tableau, exprimée d’une manière plus ou moins terminée, & jettée sur un papier ou sur une toile séparée. Les figures, les accessoires, le site, l’effet y sont indiqués ; mais rien n’y est rendu, rien n’y est arrêté. C’est pour le peintre ce que seroit le plan d’un ouvrage pour un écrivain. L’ébauche est le premier travail du tableau même : elle doit être couverte dans la suite par d’autres travaux ; mais cependant elle doit subsister, & même, si elle est savamment faite, les couleurs en doivent servir & concourir à l’effet de celles qui les couvriront, sur-tout dans les ombres qui doivent toujours être légères de couleur. Par conséquent dès l’ébauche, les formes doivent être arrêtées, sans quoi elle ne serviroit pas, puisqu’il faudroit l’effacer par les couches supérieures ; elle seroit même nuisible, car les couleurs du dessous percent avec le tems. Il est donc utile de prévoir, en établissant les teintes de l’ébauche, celles qu’on mettra par dessus.

Tous les peintres ne suivent pas la même méthode dans leurs ébauche. Il y en a de qui l’ébauche offre déjà, mais d’une teinte plus foible, l’effet qu’ils se proposent de produire dans le fini. D’autres ne font qu’un léger lavis de couleur, & leur tableau ébauches ne présente qu’une grisaille. Rubens pensoit, en ébauchant, à tirer parti, non-seulement de son ébauche