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élémens de la connoissance de la peinture. Ainsi, faute de juges, des tableaux médiocres sont mis au nombre des excellens tableaux, & le propriétaire a la satisfaction de les regarder & de les faire regarder à bien d’autres comme des chefs-d’œuvre. Mais comme un livre n’est pas d’un grand prix, que la multiplicité des exemplaires lui ôte le mérite de la rareté, & qu’il a un grand nombre de juges, la vanité de celui qui le possède est plus intéressée à le juger sévèrement qu’à le prôner comme un chef-d’œuvre. Le propriétaire d’un tableau cherche à en relever toutes les beautés véritables ou imaginaires, pour prouver qu’il a un meuble de prix ; le propriétaire d’un livre cherche à en faire remarquer les défauts, pour prouver qu’il est homme d’un goût délicat.

Cependant, si l’on considère le petit nombre de peintres dont les noms sont connus des hommes qui ne font pas en quelque sorte un métier de connoître les noms & la manière de tous les artistes, on avouera qu’il en est de la peinture comme de la poésie, & que, dans ces deux genres de talens, le médiocre ainsi que le pire est consacré à l’obscurité.

Pour décider cette question, c’est la voix publique qu’il faut consulter, & non la voix d’un petit nombre de curieux qui se piquent de connoître, au moins par leurs noms, ou tous les peintres ou tous les poëtes.

Il a paru dans le siècle dernier un grand nombre de peintres d’histoire qui ne manquoient pas de talent. Il n’en est guère que trois dont les noms soient connus aujourd’hui de ce qu’on peut appeller le public a joutez encore à-peu-près le même nombre qui est connu des hommes qui aiment particulièrement les arts : le reste seroit oublié s’il n’y avoit pas des gens qui mettent de l’importance à connoître la nomenclature pittoresque, comme il y en a qui se piquent de posséder la nomenclature bibliographique.

Le siècle où nous vivons a produit encore plus de peintres que le siècle dernier ; il ne parviendra peut-être pas un plus grand nombre de leurs noms au siècle futur.

Je ne crois pas que cette observation soit inutile ; elle doit engager les artistes, amis de la gloire, à ne pas se contenter de cette médiocrité de talent qui leur procureroit un rang estimable entre leurs contemporains. Ce n’est qu’en s’élevant au-dessus de leurs émules qu’ils sauveront leurs noms de l’oubli. Qu’ils sachent qu’un bon peintre n’est qu’un artiste estimable, & que les grands peintres seuls intéresseront la postérité. De fort bons peintres décoroient les palais du monarque, les hôtels des grands, & les murs de nos temples sous le règne de Louis XIV : mais ce ne sont plus que les noms du Poussin, de Lesueur, de le Brun


que nous prononçons avec respect. (Article de M. Levesque.)

DÉLICATESSE, (subst. fém.) La délicatesse, dans son acception propre, est opposée à la force : un enfant délicat est le contraire d’un enfant robuste. On dit, en parlant d’une étoffe, que les couleurs en sont délicates, pour faire entendre qu’elles doivent se passer aisément : une fleurdélicate est celle qu’on ne peut toucher sans la flétrir ; une plante délicate est celle dont la foiblesse ne peut résister à la moindre intempérie.

Les mots délicat, délicatesse, en passant dans la langue des arts, ont conservé leur première. signification. Ainsi, dans les arts, la délicatesse exclut la force & la grandeur. Ce seroit faire un bien mauvais éloge d’un plafond, d’un tableau d’autel que de dire qu’ils sont peints délicatement.

Mais la délicatesse, petit convenir à une miniature, à un petit tableau, qui doit être considéré de fort près, & dans lequel l’auteur s’est proposé de plaire par un pinceau délicat. On loue un tableau de fleurs, en disant qu’il est peint délicatement, que la touche en est délicat : dans ce genre, le mérite de l’auteur est d’exprimer la délicatesse des objets qu’il réprésente.

Le soigné n’est pas toujours délicat ; mais le délicat est toujours soigné.

On peut dire en parlant d’une affection douce & agréable, que le peintre l’a délicatement exprimée.

Quant aux genres qui exigent des qualités bien différentes de la délicatesse, on a dit avec raison, dans la première Encyclopédie, que le délicat est une façon de peindre & de dessiner qui approche du mesquin, sans qu’on puisse cependant lui reprocher ce vice (Article de M. Levesque.)

DEMI-TEINTE. Ce terme de l’art, composé de deux mots, s’explique de lui-même, quant à son sens le plus général ; mais pour en donner une idée plus précise, il est nécessaire d’entrer dans quelques détails.

Chaque couleur peut se diviser en nuances, ou teintes, & les teintes se peuvent subdiviser encore : mais le sens du mot demi-teinte ne doit pas être pris à la lettre ; car toutes les couleurs peuvent être modifiées ou rompues dans diverses proportions, & toutes les teintes peuvent, suivant l’emploi qu’en fait l’artiste, prendre le nom de demi-teintes lorsqu’elles servent dans l’harmonie du tableau de passage d’un ton à un autre.

Ainsi quelques ouvrages de peinture qu’on appelle heurtés, offrent souvent certaines couleurs entières, qui y tiennent lieu de demi-teintes