Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DÉC DÉC 173


ouvrages dont la nature & la destination sont d’être durables, doivent avoir pour objet une approbation qui ne soit pas passagère.

Ce n’est pas au reste, une morale trop sévère que celle à laquelle je vous ramène. On peut plaire ; on peut être aimable dans ses ouvrages ; on peut mériter les louanges les plus flatteuses ; on peut être enfin vanté dans les arts & recherché dans la société, en se conformant à la décence. Il est deux Vénus dans les beaux-arts, une des deux est céleste. C’est celle-là qui a mérité à Raphaël le nom de divin.

Il resteroit à l’occasion de la décence pittoresque, quelques observations, disons même, quelques conseils à donner à ceux qui influent sur les arts, sans les pratiquer. J’en vais hazarder quelques-uns.

Etes-vous distingués par des rangs, des titres, des fonctions si élevées, si imposantes, que vos volontés & vos desirs même, ayent la force de déterminer les artistes à s’y conformer ? Soyez persuadé, que vous faites un abus bien plus répréhensible que vous ne le pensez de votre ascendant, si vous autorisez ou si vous commandez l’indécence ? car ; dans les ouvrages destinés à être conservés, & qui appellent & fixent les regards, tels que ceux du dessin, de la peinture, de la sculpture & de la gravure, non-seulement les licences ouvrent une route pernicieuse aux artistes, non-seulement, elles portent les arts hors du chemin véritable de la perfection, qui doit être fondée sur les convenances ; mais encore elles attaquent la moralité sociale dans ceux dont les yeux tomberont sur des ouvrages indécens qui n’auroient pas existé, si vous ne les aviez en quelque sorte, produits.

Eh ! que savez-vous, si vos enfans ne vous devront pas les premières semences de corruption, qui peuvent causer leur malheur ?

Ces principes pourront vous sembler sévères au premier moment ; mais je suis certain qu’ils seront approuvés du plus grand nombre & intérieurement par vous-mêmes. Quoique les infractions à la morale, dont il est ici question, ne soient pas regardées dans la société comme des crimes, ceux qui se les permettent n’ont à attendre d’indulgence publique de personne, & seroient condamnés à la pluralité des voix.

Quant à ceux dont l’ascendant est fondé sur la fortune, on pourroit leur dire à l’occasion de cet article. Est-ce par l’appas des avantages pécuniaires que vous avez forcé l’artiste à s’enfermer dans son çabinet le plus retiré pour satisfaire des intentions obscénes ? Vous abusez contre lui d’un moyen auquel il est souvent difficile qu’il résiste, & vous en abusez contre vous-mêmes ; car à ses yeux


& à ceux de vos confidens, de vos serviteurs, de vos parasites, vous vous déclarez privé de ces avantages qui n’ont pas besoin des ressources que vous cherchez. La honte vous arrêteroit, si vous étiez certains que vos intentions & les usages auxquels vous destinez ce que vous cachez dans des réduits secrets, seroient exposés au grand jour.

La richesse qui brave les convenances & les bienséances, (il n’est pas hors de propos de le dire aujourd’hui), manifeste les abus qui l’accompagnent. Que Midas, dont l’existence offre quelque chose d’imposant, porte quelques jugemens sur les arts ! il décèle son ignorance. Qu’il étale son faste en y employant les arts ! les moyens qu’il employe, dénoncent le dérèglement de ses idées & de ses penchans. Enfin, dans le nombre & le choix de ses délassemens, on apperçoit toujours le vuide de son ame. (Article de M. Watelet.)

DECORATEUR. Le terme décorateur, lorsqu’on l’employe au pluriel, sur-tout, & qu’on parle des peintres décorateurs, désigne principalement les artistes qui exécutent les décorations de theâtre.

Ce mot signifie aussi les artistes qui s’occupent de certains ornemens intérieurs de palais, de maisons & des appareils de fêtes publiques. Ces branches de l’art de la peinture, sont très-étendues, comme je le ferai observer aux mots décorer & décoration.

Elles embrassent plusieurs parties de la sculpture, & de l’architecture.

Les connoissances dont se contentent les décorateurs modernes, ne sont pas aussi étendues qu’elles pourroient l’être, & cependant leur influence sur les modes, qu’adopte si facilement notre nation, est plus grande qu’elle le devroit être pour le maintien du bon goût.

Les Italiens, sans doute, parce qu’ils ont eu de tout tems un goût national très-marqué pour les fêtes, les spectacles, les décorations, comptent un assez grand nombre d’artistes, qui se sont distingués en exerçant les trois arts principaux du dessin, c’est-à-dire, la peinture, l’architecture & la sculpture.

S’agissoit-il, dans les beaux siécles des arts, du couronnement, du mariage de quelque prince ; d’une pompe funèbre ; d’amuser le peuple & d’attirer, par des fêtes, la foule du peuple ? On s’adressoit aux plus habiles artistes, mais sur-tout aux peintres, & ceux-ci, loin de dédaigner l’emploi de décorateurs, s’honoroient du choix qu’on faisoit d’eux. Les uns avec les autres, se trouvoient assez instruits dans chacun des arts, qu’il étoit nécessaire d’employer, pour ne devoir qu’à eux seuls leurs succès, & de son côté, le