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masse de l’air se trouve également imprégnée de lumière. La lumière du soleil, est d’une force égale dans toutes ses parties, & la projection des ombres, suit la direction du corps qui les produit.

Si le corps lumineux est petit, comme la lumière d’un flambeau ou d’une chandelle, ou celle qui entre par une ouverture étroite, la plus grande partie de l’objet éclairé se trouve privée de lumière, les ombres s’aggrandissent en s’éloignant du corps qui les porte, & sont d’autant plus larges que l’objet qui les reçoit est plus éloigné.

Les principes du clair-obscur que nous venons de rapporter en établissent la théorie & suffisent pour éviter une pratique vicieuse : mais non pour en connoître l’idéal qui conduit à ce qu’on appelle la magie du clair-obscur. Le peintre a, pour produire les grands effets de son art, l’harmonieuse opposition du clair & de l’obscur ; la nature offre elle-même cette opposition, mais elle ne l’offre pas toujours de la manière la plus favorable à l’art ; c’est donc à l’artiste à la créer : c’est à lui de commander à l’ombre & à la lumière, & de leur prescrire de se répandre sur la scêne qu’il veut traiter de la manière la plus propre à enfanter de beaux effets,

Si le peintre veut produire la beauté, il doit choisir les formes, & ne pas imiter celles que lui offre le premier modèle qu’il rencontre. De même s’il veut éclairer ses sujets d’une lumière pittoresque, il ne doit pas se contenter de la lumière que le hazard lui offre dans la nature, mais il doit s’en procurer une de son choix. La manière dont il disposera ses grouppes, dont il leur fera recevoir la clarté, lui fournira de grandes masses d’ombre & de lumière, en lui permettant d’enchaîner ensemble ce qu’ils ont d’obscur & ce qu’ils ont de lumineux. C’est ce que le Titien comparoit à la grappe de raisin. Détachez-en les fruits, dispersez-les ; chacun d’eux aura son ombre & sa lumière, ils partageront la vue & ne concourront pas à un effet général : mais réunis en grappe, ils font ensemble une masse harmonieuse de clair & d’obscur.

Il peut aussi se procurer une lumière accidentelle différente de la lumière principale, & qui réveillera à son choix les parties qui seroient plongées dans l’ombre. Il trouvera cette lumière dans la clarté d’un flambeau, dans l’interruption des nuages, dans celle du feuillage des arbres, dans une ouverture pratiquée dans l’appartement où se passe la scêne. A-t-il besoin d’une ombre accidentelle ? il peut la trouver dans un corps placé dans le tableau ou hors du tableau, dans un, ou plusieurs nuages, dans un édifice, des arbres, un rocher. S’il suppose cette cause hors du tableau, il doit la rendre vraisemblable au spectateur qui ne la voit pas. Une vapeur, de la fumée, de la poussière peuvent aussi lui fournir d’heureux secours & lui procurer les ressources que lui refuse la perspective aërienne ordinaire. Enfin la couleur propre des objets plus claire ou plus sombre peut lui servir à continuer harmonieusement un effet d’ombre où de lumière. L’écorce argentée du bouleau, le feuillage blanchâtre du saule, auront quelque ressemblance avec la clarté dans l’obscurité d’une forest ; des vêtemens bruns ressembleront à de l’ombre dans un grouppe de figures éclairées.

Que les couleurs claires ou obscures, savamment distribuées, puissent concourir aux effets de l’ombre & de la lumière, c’est ce qui est démontré par les estampes gravées sous les yeux & sous la direction de Rubens : tout ce qu’on y voit d’obscur n’est pas de l’ombre ; c’est souvent de lacouleur.

Comme on sera sûr de produire un bon effet en traduisant en noir & blanc un tableau où le clair-obscur est bien entendu, il sera facile aussi de faire un tableau d’un bon effet, en traduisant en couleurs un dessin où une estampe dont les masses auront été savamment distribuées suivant les principes positifs & l’idéal du clair-obscur. Ce sont donc ces principes qui doivent régler l’emploi des couleurs. Le clair-obscur, dit encore Mengs, est la base de l’harmonie ; les couleurs ne sont que des tons qui servent à caractériser la nature des corps.

Le peintre, pour imiter l’innombrable variété des couleurs offertes par la nature, n’a d’autres matériaux que trois couleurs primitives, le rouge, le jaune & le bleu, dont le mélange produit toutes les autres couleurs & toutes leurs nuances. L’histoire des arts nous apprend que les anciens peintres ont longtemps opéré avec ces seules couleurs. On en employe aujourd’hui un nombre bien plus considérable, parce qu’on a trouvé tout fait par la nature, dans différentes substances, les mélanges que les anciens étoient obligés de faire sur leur palette. On ne peut douter que cette augmentation dans le nombre des matériaux n’ait conduit l’art à une nouvelle perfection, en donnant aux artistes des moyens nouveaux d’y parvenir. Sans doute les substances colorantes qu’ils ont multipliées leur procurent des tons qui leur auroient été refusés par le mélange des trois couleurs capitales : mais enfin quelque soit le nombre de ces substances colorantes, & celui des tons que produit leur mélange ; on sera toujours réduit en dernière analyse aux trois couleurs primitives auxquelles on joint le blanc pour exprimer la lumière, & le noir pour en exprimer la privation.


Quoique
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