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exprimer qu’il a été repeint trois fois sur l’ébauche : (ancienne Encyclopedie)

On pourroit employer ce mot, si l’on peignoit comme Pline prétend que Protogene peignit son Jalise. « Il mit, dit-il, à ce tableau quatre couleurs l’une sur l’autre, pour le défendre des injures du tems & de la vétusté, afin qu’une couleur venant à tomber l’autre lui succédât. » Il faut donc croire, sur la foi de Pline, que Protogene fit quatre fois sur la même planche ce même tableau, copiant toujours avec la plus froide exactitude, sur la couche supérieure ce qu’il avait fait sur la couche inférieure.

« Cette manière de s’exprimer, dit M. Falconet il mit quatre couleurs l’une sur l’autre, n’est point celle d’un connoisseur ; l˚. parce qu’elle ne présente à l’esprit aucun des procédés de l’art ; 2˚. parce qu’elle n’est pas claire ; 3˚. parce qu’elle est triviale & qu’elle est dans les termes dont on se serviroit pour l’impression d’une toile. Peut-être Protogene a-t-il ébauché & empâté trois fois son tableau avant de le finir ; opération qui demande de la chaleur : mais s’il a peint quatre tableaux finis l’un sur l’autre, étoit-ce un peintre ? Pline ne voit pas combien cette marche & ces petits moyens sont opposés aux ressorts, à l’esprit, aux procédés de l’art : la fatigue & l’ennui devoient au moins sauter aux yeux dans ce triste chef-d’œuvre. »

Il y avoit un chien dans ce tableau, & le peintre ne pouvoit exprimer d’une manière satisfaisante la bave de ce chien haletant. Dans sa colère, il jette son éponge chargée de couleur contre cette partie, & ce hazard produisit ce que son travail & son adresse n’avoient pu rendre. Mais, dit plaisamment M. Falconet, « la bave du chien avoit elle les quatre couches de couleur, ou Protogène avoit-il jette successivement l’éponge aux quatre chiens ? (Article de M. {{sc|Levesque.)

COULEUR (subst. fem.) Ce mot dans la langue de la peinture, a plusieurs acceptions différentes. Il signifie, comme dans la langue ordinaire, l’apparence que les rayons lumineux donnent aux objets : la couleur de cette drapperie, est d’un jaune tendre, d’un bleu foncé. Il signifie les substances minérales ou autres, que les peintres employent pour imiter la couleur des objets qu’ils représentent. Ainsi l’ocre, le vermillon, la laque, le stil de grain sont des couleurs. Il signifie enfin le résultat de l’art employé par le peintre pour imiter les couleurs de la nature : c’est ainsi que l’on dit ce peintre a une banne couleur, la couleur de ce tableau est d’une grande vé-


rité. C’est dans ce dernier sens, que nous allons traiter de la couleur.

Il faudra joindre à cet article les excellentes réflexions de M. d’Oudry sur la manière d’étudier la couleur, que M. Watelet à insérées dans son article Conférence.

Indépendamment de l’habileté à représenter sur la toile les couleurs propres aux objets qu’on imite, l’entente du clair obscur, c’est-a-dire la distribution des lumières & des ombres, entre pour beaucoup dans l’art du coloriste. On peut même dire que cette seule partie exprimée d’un ton vigoureux, peut sans une imitation fort étudiée de la couleur propre, donner un grand effet à un tableau. Cette vérité est démontrée par les dessins d’une seule couleur, les estampes, & les tableaux en grisaille ou de clair-obscur. Aussi dit-on souvent, en parlant d’une estampe, qu’elle est d’une bonne couleur, d’une couleur vigoureuse, quoiqu’elle n’offre en effet que du clair & de l’obscur, c’est à-dire du noir & du blanc.

Les tableaux des plus grands maîtres de l’école romaine, & sur-tout leurs fresques, pourroient être regardés, si je puis m’exprimer ainsi, comme des ouvrages de clair-obscur enluminés. La pratique ordinaire de ces artistes, étoit de faire des cartons ou dessins fort étudiés des différentes parties de leurs ouvrages. C’étoit d’après ces dessins d’une seule couleur, qu’ils peignoient sans prendre la nature pour imiter la couleur propre des objets. Aussi voit-on, quelles que soient les couleurs de leurs drapperies, rouges, jaunes, bleues, qu’ils les peignoient sur les mêmes principes que si elles eussent été blanches. Une draperie rouge, par exemple, est peinte chez eux, comme s’ils eussent copié une étoffe blanche avec une couleur rouge, ou à-peu-près comme on feroit l’étude d’une draperie blanche avec du crayon de sanguine. C’étoit ainsi que peignoit Raphaël.

Dès que l’art naissant employa quelque chose de plus qu’un simple trait pour imiter la nature, dès qu’il fut donner quelque relief aux objets, il fut obligé d’exprimer les lumières & les ombres ; car sans ombre & sans lumière tous les objets visibles n’offriroient qu’une surface plane. L’art du clair-obscur a donc pris naissance en même tems que la peinture. Mais ce n’est pas de cette première simplicité de l’art qu’on entend parler, quand on demande si les peintres de l’antiquité cnnoissoient le clair-obscur, ou quand on dit de quelques peintres célèbres entre les modernes qu’il ne les connoissoient pas.

On entend parle clair-obscur pris dans cette dernière acception, le contraste des parties claires & des parties obscures du tableau, l’artifice par lequel un peintre distribue savament