Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/297

Cette page n’a pas encore été corrigée
156 COS COS


des anciens, seroit avouer qu’on n’a point dessiné, ou qu’on a étudié trop superficiellement les monumens qui sont devenus les bases de l’art.

De même, ne pas représenter Achille, Diomède, Ajax, AEnée avec les armes & les habillemens qui leur conviennent, ce seroit avouer qu’on n’a lu ni Homère, ni Virgile ; & cette négligence seroit aujourd’hui moins pardonnable que jamais, quoique la connoissance approfondie de l’antiquité soit peut-être plus rare parmi nous qu’elle n’a été. Mais s’agit-il de représenter quelques traits ou quelqu’action tirés des histoires & des monumens moins connus, des temps plus reculés, ou des temps plus modernes dont on s’occupe moins ; d’un côté les peintres sont refroidis sur l’exactitude du costurme par les recherches qu’ils seroient obligés de faire, recherches plus étrangères à leur art que celles dont j’ai parlé, & qui prendroient sur le temps dont ils croyent avoir un emploi plus indispensable à faire pour les autres parties de leur art ; de l’autre, ils considèrent le petit nombre de juges qui sont en état de leur savoir gré d’une si pénible exactitude.

Une autre raison s’oppose souvent encore à la bonne volonté qu’ils pourroient avoir ; c’est que le costume de plusieurs pays & de plusieurs temps n’ayant pas été adapté aux arts, qui ne florissoient point assez alors, ou y ayant été employé d’une manière mal-adroite & barbare, les artistes se trouvent rebutés par une disconvenance pittoresque qui leur semble une suffisante excuse.

Mais, je le répete, ils ne sont pas autorisés par ces difficultés & ces ; raisons à des transgressions qui blessent trop la vérité.

Les secours que peuvent employer les artistes pour se tirer de ces embarras, sont les ouvrages que des savans, amis des arts, ont déjà composés pour leur épargner la porte d’un temps, que l’étude de leur art ne peut leur permettre de sacrifier.

Peut-être la méthode la plus raisonnée n’a-t-elle pas encore été mise en usage à cet égard ; & je pense qu’un des points de vue qu’il faudroit avoir dans ces ouvrages, seroit premièrement de diviser les temps historiques, quant au costume, par intervalles, qui ne devroient pas être égaux.

En effet les histoires des temps très-anciens permettent que les artistes, sans trop blesser les vérités historiques, choisissent dans un espace de temps assez considérable, les costumes qui s’accordent le mieux à l’intérêt pittoresque, d’autant plus que les différences partielles & successives qui pourroient avoir existé sont à peine connues.

Cette latitude ne doit pas être aussi grande dans les siècles plus florissans, parce que trop


de livres ou de monumens, & une tradition trop répandue autorisent à exiger plus d’exactitude & à juger avec plus de rigueur.

Voilà une idée générale des bases que peuvent prendre, à l’égard du costume, les artistes & les auteurs. Je dois dire encore un mot des incertitudes où se trouvent les peintres relativement au costume de nos temps modernes.

Le costume en usage de nos jours, les contrarie souvent, sur-tout lorsqu’ils le comparent à des usages plus favorables à leurs travaux : en effet la coëffure & les habillemens Grecs & Romains sont sans contredit préférables pour l’intérêt de l’Art à nos vêtemens ordinaires, parce que nos habits, & la plus part de nos coëffures altèrent ou déguisent le nud & les formes de la nature.

Je ne repéterai pas ici d’une par tout ce qu’on a dit sur l’extravagance & la mobilité continuelle de nos modes, qui la plupart, en effet, changent les proportions naturelles, & qui par-là sont aussi contraires à l’intérêt des personnes qui les adoptent, qu’aux arts. Je ne répéterai pas non plus ce qu’on peut dire en faveur de ce qu’on appelle vérité à cet égard ; cette vérité qui change chaque année ne perd-t-elle pas de ses droits en raison de sa mobilité ? Mais les licences trop grandes, qui ne sont pas rachetées par de très-grandes beautés, sont aussi contraires à la raison & à l’art, que la trop grande exactitude à suivre l’usage, si l’ouvrage, où on peut la louer, n’a que ce seul mérite. Il est certain qu’un Monarque François, représenté nud, & le front & les épaules seulement couverts d’une large & ample perruque, est un objet ridicule & un abus excessif de la liberté que se sont donné de tout temps les peintres, comme les poëtes. Il est certain encore qu’il faut qu’un Roi, un grand, un héros modernes, habillés de l’habit & de la coëffure les plus en usage parmi nous, ayent un caractère bien noble & bien imposant, pour réparer ce que cet ajustement en diminue. Le milieu raisonnable est de choisir au moins dans tous nos ajustemens de guerre, par exemple, & même da chasse, en se permettant encore d’y faire quelques légères corrections, ceux qui contrarient moins les formes naturelles, qui dérobent moins les proportions, qui cachent moins les jointures, & c’est au génie à faire d’autant plus d’effort que la mode semble lui opposer de plus grands obstacles.

Mais si l’artiste brave la critique en empruntant un costume absolument étranger, il faut, comme je l’ai dit, qu’ilen tire un tel avantage, qu’on soit forcé de lui pardonner cette licence.

D’ailleurs, dans le costume héroïque, par exemple, en se rapprochant autant qu’il est possible de celui de l’antiquité, on doit éviter