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COS COS 155


intéressant qu’un persan eût l’habillement d’un Grec, & qu’un Consul n’eût pas sa toge, le costume pencheroit à être absolument arbitraire.

Ces deux extrêmes existent successivement, lorsque les ouvrages de peinture sont exposés librement aux regards du public. Les hommes instruits (trop peu nombreux à la vérité pour avoir la plus grande autorité) s’attachent rigoureusement à la conformité que doit avoir la représentation avec le costume, dont ils connoissent les détails : la foule plus nombreuse des hommes du commun, ou de ceux qui sont profondément ignorans, ne fait attention aux habillemens, aux armes, aux accessoires relatifs au costume, qu’autant que ces objets plaisent ou déplaisent à leurs yeux ; & ce qu’il est bon d’observer, c’est que les savans, égarés par l’amour-propre de leur érudition, se permettent quelquefois une assez grande indulgence sur l’incorrection, sur les défauts du clair obscur, & même sur les fautes d’expression, pourvu que l’artiste ait observé d’ailleurs avec une scrupuleuse exactitude les formes des vêtemens, des armures & des autres objets qui désignent précisément le temps, l’époque, la circonstance qui fixent toute leur attention. I1 peut en exister même qui résistant à l’attrait du sentiment, se refuseroient à cette partie si séduisante, qui parle au cœur, & qui fait pardonner tant d’autres fautes, je veux dire la grace & la sensibilité, si malheureusement ils découvroient une violation de cette convenance scientifique, à travaux, les attachent exclusivement les travaux, les peines & les veilles qu’ils ont employés pour s’en instruire.

On sent aisément (ce qu’il est raisonnable d’inférer) que lorsqu’il s’agit de se décider envers ces deux excès contraires, on doit tenir, le plus qu’il est possible, un milieu entre la sévérité trop minutieuse, & la trop grande indulgence. Si la balance panche vers un côté, ce doit être du côté qui, donnant plus d’intérêt à l’ouvrage, méritera plus d’indulgence, en cas qu’il soit critiqué ; car il faut observer que la sévérité des différentes loix de la peinture, doit être d’autant plus ou moins rigoureuse que leur objet est plus ou moins positif.

Les règles des proportions, celles de la perspective & de la pondération, sont absolues, parce qu’elles sont positives. Le clair-obscur a droit à plus d’indulgence ; parce que sans cesse variable dans la nature, & difficile à démontrer rigoureusement, il laisse quelques suppositions, à la volonté de l’artiste La justesse imposée à l’expression, a quelques nuances arbitraires, parce que la connoissance qu’en ont les hommes, n’est pas généralement la même, & qu’elle ne comporte pas de règles fixes ; aussi certaines finesses dont elle est susceptible échappent-elles à ceux qui sont peu sensibles, peu attentifs,


ou peu exercés à les démêler dans la nature, & les approximations suffisent au plus grand nombre.

Le costume est, à ce que je crois, moins connu, moins démontré, & par conséquent encore plus susceptible de licences. Mais il est pourtant des bornes dans lesquelles ces licences doivent se contenir ; car si la sévérité ne doit pas être trop rigoureuse, les libertés excessives qui offensent trop la vérité, approchent de l’ignorance & de la barbarie, dont les idées humilient les hommes qui font partie des sociétés éclairées.

Pour parvenir à un sentiment modéré, il faut considérer qu’en peinture le genre de l’histoire embrasse ce qui est fabuleux & ce qui est historique.

Le fabuleux le plus en usage dans la peinture, est celui qu’offre aux artistes la mythologie égyptienne & grecque.

Ce que les auteurs & les monumens nous ont transmis sur les divinités payennes, offre un costume qui originairement a dû participer des changemens plus ou moins grands que les mœurs & les usages ont occasionnés. Sur ces détails, dans les pays où ces divinités étoient honorées, les artistes anciens ont eu le droit eux-mêmes de prendre quelques libertés, ce qui autorise déjà celles que nos artistes peuvent se permettre ; cependant comme le costume ancien renferme certains accessoires absolument caractéristiques, tels que sont des attributs indispensables qui sont connoître ses Dieux, les Déesses, certains héros & les différens climats, nos artistes doivent distinguer dans le costume ce qui demande d’être respecté. Le costume de la mythologie est donc en général celui qui se prête davantage en quelques parties, & qui rend aussi plus blamables les transgressions importantes ; d’ailleurs ce costume, à-peu-près renfermé dans ce que nous ont transmis les Poëtes célèbres, & dans ce que nous offrent un certain nombre de statues, de bas-reliefs & de médailles, est facile à connoître, au moins superficiellement, par les artistes à qui ces sources doivent être plus familieres.

En effet l’étude de ce qu’on appelle l’antique, qui fait l’objet des occupations les plus assidues des artistes, les instruit de costume, en même-tems qu’elle les instruit de ce qui est le plus essentiel à leur art, de sorte que, par cette heureuse réunion, ils gagnent sur l’emploi du temps, trop court & trop rapide pour la multiplicité des connoissances qu’ils doivent acquérir Ils apprennent donc à la fois comme ils doivent dessiner pour parvenir à représenter les formes humaines les plus parfaites, & comme ils doivent revêtir & parer ces formes conformément aux temps, dont les grands artistes & les grands poëtes leur ont conserve le souvenir. Ll en résulte que manquer grossièrement au costume mythologique


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