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CON CON 123


la figure qu’on peint d’après, donne lieu à un travail trop égal & trop prononcé par-tout ; l’éloignement des objets en efface à nos yeux tous les petits détails, & cet effet ne le caractérise guère moins que l’affoiblissement de la couleur. Or en imitant le naturel, de trop près, il n’est presque pas possible de lui donner cet air vague & flou que lui donne le volume d’air qui est entre nous & lui, quand nous le voyons de loin. C’est donc encore une raison, qui décide que pour le bien voir, il ne faut pas trop l’approcher.

Que de choses n’y auroit-il pas à dire encore sur cette matiere, si l’on vouloit la suivre dans toutes ses parties ! Mais il est tems que je m’arrête. Je crains même d’avoir trop abusé déjà de la patience de cette illustre Compagnie, en parlant devant elle si longuement de choses qu’elle sait mieux que moi ; mais je compte sur ses bontés. Elle m’en a donné des marques si touchantes, que je me regarderois comme un ingrat si je pensois autrement. Je suis sûr avec cela qu’elle prendra en bonne part ce que mon amour pour l’avancement de nos jeunes gens m’a fait faire ici. Elle ne les aime pas moins que moi. Elle les regarde comme ses plus chères espérances & les objets de ses plus tendres soins. Elle ne leur demande, pour tout retour, que la docilité & l’application nécessaire pour en faire des hommes d’un mérite distingué, dignes des graces que notre auguste protecteur répand avec tant d’abondance sur eux. Jeunesse qui m’écoutez, donnez-nous la satisfaction de nous prouver votre parfaite reconnoissance par vos succès.

RÉPONSE

au précédent Discours.
Par M. Coypel, Directeur de l’Académie.
MONSIEUR,

L’OUVRAGE que vous venez de me communiquer, fait connoître en vous trois choses également estimables & très-difficiles à rencontrer, même séparément. Nous sommes frappés de la solidité de vos principes ; nous ne pouvons assez louer la générosité avec laquelle vous nous faites part de vos plus profondes méditations ; & vous avez attendri par ce sentiment de reconnoissance si digne & si rare, qui vous porte à renvoyer à votre illustre Maître, tout l’honneur que dans ce moment, vous devez au moins, partager avec lui.


Pour profiter, Monsieur, comme vous avez fait, des leçons de cet excellent homme, il ne suffisoit pas de la docilité avec laquelle vous les écoutiez ; il falloit, pour en connoître tout le prix, ce goût & cette conception vive & facile, que le ciel n’accorde pas à tous. Il falloit enfin être né pour devenir un jour ce que vous êtes.

Je le redis encore, Monsieur, votre Dissertation est à la fois l’ouvrage d’un Peintre consommé dans son Art, d’un Académicien zélé, & qui plus est encore, d’un galant homme. Elle instruit non seulement nos Elèves des moyens qu’ils doivent employer, pour mériter de nous succéder un jour ; mais aussi de ce qu’ils auront a faire, s’ils veulent reconnoître les soins que nous prenons pour leur avancement.

Je plaindrois celui d’entre’eux qui vous auroit écouté, sans être échauffé du desir de mettre en pratique ce que vous venez de dire sur notre Art, & je le mépriserois si, vous ayant entendu parler du célebre M de Largiliere, il ne sentoit pas à quel point nous nous honorons nous-mêmes, en publiant ce que nous devons à ceux qui nous ont formés.

Nous espérons, Monsieur, que vous ne vous en tiendrez pas là & que vous voudrez bien mettre en ordre d’autres idées qui sont éparses dans votre porte-feuille. Vous n’avez plus à vous défendre sur le peu d’habitude où vous êtes de coucher vos idées par écrit. Vous venez de nous prouver que Despréaux a eu grande raison de dire dans son Art Poëtique :

 « Ce que l’on conçoit bien, s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire, arrivent aisément. »

1749.

EXTRAIT DES REGISTRES de l’Académie Royale de Peinture & de Sculpture.

Aujourd’hui 7 Juin, l’Académie s’étant assemblée pour les Conférences, M. Oudry, Professeur, les a ouvertes par la lecture d’une Dissertation sur la manière d’étudier la couleur, en comparant les objets les uns aux autres.

Cet Ouvrage, qui renferme d’excellens principes sur la partie du Coloris & sur celle de l’intelligence des masses, a été goûté unimment par la Compagnie, qui en a remercié l’Auteur par un Discours que M. Coypel lui a adressé, lequel sera couché sur le Registre à la suite de la présente délibération.


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