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savoir que généralement ces principes & cette marche. Il faut donc la lui indiquer & s’arrêter principalement à ce qu’elles opèrent sur les apparences visibles des corps. Les passions, spirituelles par leur nature, prennent un corps, pour ainsi dire, & deviennent matérielles par les expressions des traits, par les mouvemens & les signes que nos membres en éprouvent. C’est-là l’objet intéressant pour les Artistes, & sur lequel ils ont besoin d’être guidés. L’Histoire, traitée pour leur usage, demanderoit que les Rédacteurs eussent la plus grande attention à présenter toujours le plus relativement à l’art de représenter physiquement chaque objet, les faits, les sites, les actions, les couleurs, les formes, les usages, &c. Les faits sont du ressort immédiat de l’Histoire ; les sites, du ressort de la Géographie artielle : car il en est une qu’on n’a point encore traitée ; les mouvemens d’où résultent les différentes actions, ressortissent de l’Anatomie & de la pondération ; les effets ont pour base les deux perspectives : les couleurs & les formes propres des objets appartiennent à la Physique, & leurs modifications, à la science du clair-obscur : enfin, les usages qui embrassent aussi les conventions, constituent & la science du costume & celle des allégories, des attributs & des emblêmes. Je ne reprendrai pas chacune de ces divisions, mais je dirai qu’elles méritent d’être traitées avec beaucoup de méthode, & sur-tout avec une sagacité qui sache présenter chaque notion la plus séparée des autres qu’il est possible, & sous la forme la plus relative à l’Art ; ce qui ne peut s’opérer que d’après les vues, les observations & les instructions que les gens de l’Art intelligens & généralement instruits auront consignés dans le magasin général, que je souhaiterois qu’on formât.

On y joindroit, en complettant l’ouvrage dont il seroit la base, la notice impartiale des Artistes & des écoles ; mais au lieu d’abonder dans ces notices en détail personnel, je voudrois qu’on s’attachât préferablement à la marche de l’Art, à ses progrès, aux circonstances qui y influent, enfin, à distinguer les qualités essentielles qui ont fait la reussite des Artistes dont on parleroit ; à faire appercevoir les parties qui leur manquoient, & l’influence de cette privation sur la perfection à laquelle ils se dirigeoient ; les sistêmes des Ecoles différentes trouveroient leur place dans cette partie de l’ouvrage, & cette portion en-


traineroit les notices & catalogues des productions de tout genre qui ont été célèbres, en observant ceux qui ont péri, ceux qui se sont perdus, ceux qui se détruisent, & offrent déjà des preuves d’une altération malheureusement inévitable, mais souvent accélérée, ou par la faute des Artistes, par le mauvais choix & le mauvais emploi des moyens, ou par la négligence & l’ignorance des possesseurs ou dépositaires des ouvrages des Arts, C’est après cette partie que commenceroit celle où se trouveroient compris tous les détails méchaniques, la nature des substances dont on se sert, des ustensiles, des moyens qu’on employe, l’imperfection d’une partie de ces objets, les qualités bonnes ou perfectibles de quelques-uns, les inconvéniens à éviter, les difficultés qui restent à surmonter, & les recherches qui restent à faire, non seulement dans les moyens dont on use, mais dans ceux qui conviennent à toutes les différentes manières d’opérer. Alors s’ouvriroit une autre carrière à parcourir, en traitant de toutes les branches des Arts du dessin, tant qu’elles conservent assez de libéral, pour n’être pas renvoyées à la classe des métiers. On entreroit, à l’occasion de cette dernière observation, même dans ce que les métiers ou professions qu’on regarde comme purement méchaniques, peuvent admettre, suivant les circonstances, d’idées libérales, qui ressortissent à l’esprit général de l’Art.

Je m’arrêterai, parce que cet article deviendroit enfin trop disproportionné par son étendue, à ceux qui le précèdent & le suivent ; mais je crois devoir présenter comme essentiel au mot dont il s’agit, deux exemples de conférences originales, composées dans l’esprit des Statuts de l’Académie de Peinture, lues à ses assemblées, & que je ne crois pas imprimées, elles sont l’ouvrage de MM. Bourdon & Oudry, Artistes connus & distingués. Elles prouveront qu’il n’est pas nécessaire pour faire des conférences utiles, de s’être exercé dans l’Art d’écrire, ni d’avoir une grande étendue de ce qu’on appelle quelquefois si mal à propos génie ; mais que la connoissance raisonnée de l’Art, la clarté d’un bon esprit, qui est plein de son sujet, & la pureté de son intention sont le plus souvent préférables aux efforts & aux agrémens si rarement placés ou mesurés, qu’inspirent l’imagination & les prétentions de la vanité.


Beaux-Arts. Tome I. P