Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CON CON 109


enfin, leur condescendance à des ordres, ou à des desirs qui manquent de lumières, & auxquels la raison & le bon goût n’ont point participé : & l’on ne doit pas perdre de vue cet élément de la morale & des Arts, que plus l’intérêt personnel des hommes s’isole, en se séparant de l’intérêt général, plus les vrais. principes de la morale humaine, & les solides élémens des Arts deviennent arbitraires, & tendent à se corrompre.

L’orgueil des hommes & l’exaltation, ou l’exagération de leurs idées, ont une analogie sensible avec le colossal dans les Arts. Aussi peut-on penser que c’est à l’orgueil des hommes puissans, que l’on a dû la plupart des figures ou statues colossales isolées, dont il nous reste des notions ? Telle est l’idée de la statue proposée à Alexandre, & que l’Artiste, élevant son imagination au niveau de l’orgueil d’un conquérant, avoit proposé de former d’une montagne entière. Tels sont souvent les ouvrages ampoulés des Auteurs, qui encensent les Rois, sur-tout lorsqu’ils apperçoivent que ces dieux de la terre croyent eux-mêmes les proportions de leurs facultés colossales. Ce qu’ils ne croyent que trop souvent.

Si l’on suit ces rapports, on doit penser que les dimensions vraies, doivent être celles auxquelles se plaisent les bons esprits, les excellens Artistes, & les hommes qui, dans quelqu’état & circonstances qu’ils se trouvent, n’oublient pas que leurs dimensions physiques & spirituelles, sont circonscrites. Quant aux petites dimensions, elles appartiennent ordinairement, dans les Arts, aux moindres talens, comme aux moindres genres. Aussi, sont-elles plus multipliées parmi les hommes, dont la plus grande partie, par nature ou faute de connoissances, sont réduits aux plus petites idées, comme le peuple des Auteurs aux plus petits détails.

CONFÉRENCES. Il est bien plus facile, (comme je l’ai dit dans l’article Artiste) d’établir les avantages qui résultent de l’usage des conférences académiques, que de donner des raisons plausibles de l’abandonner ou même de le négliger.

Lorsque les hommes qui s’occupent habituellement, & par état, des connoissances scientifiques ou Artielles, se réunissent, il est vraisemblable que leur but volontaire ou prescrit, est de s’entretenir de leurs occupations, de s’éclairer sur les théories & sur la pratique dont la connoissance leur est nécessaire, de s’instruire mutuellement, soit en se communiquant ce qu’ils savent, soit en discutant ensemble les objets susceptibles de doutes & d’éclaircissemens. Aussi lorsque l’on se représente les Savans & les Artistes réunis, on les suppose toujours occupés de ces soins, & l’on se forme par-là une idée qui ennoblit leurs assemblées. Si tout au contraire on se représentoit des Savans ou des Artistes


s’occupant ensemble presqu’uniquement des formes relatives à l’organisation de leur société, discutant longuement dans des assemblées qu’on appelle Académiques, les détails minutieux résultant de ces formes. Si l’on venoit à penser enfin qu’un nombre choisi d’Artistes distingués par les divers talens qu’embrasse un des plus nobles Arts, passent ensemble plusieurs heures sans s’occuper principalement de ce qui honore les Arts dont ils tirent leur gloire, & distingue l’Artiste de l’Artisan, on seroit excusable sans doute d’inférer que ces sociétés se rapprocheroient infiniment plus qu’elles ne doivent des Communaurés d’Ouvriers.

Les Fondateurs de la plupart de nos Académies ont prévu cet abus, & dans une grande partie des sociétés destinées à étendre les connoissances humaines, de sages réglemens prescrivent des travaux communs à tous les Membres, ou des travaux qui devant leur être communiqués, donnent matière à des discussions utiles. Dans nos Académies des Arts & dans celle de Peinture entr’autres, l’usage des conférences a été établi & recommandé.

On a eu en vue la communication & l’accroissement des lumières parmi les Maîtres de l’Art, l’instruction des Eleves qui doivent être admis avec choix & comme récompense dans quelques-unes des assemblées pour y entendre de tems en tems la lecture des conférences faites par leurs Maîtres, ou les éloges donnés aux Artistes que la mort enlève, & dont les talens, joints aux mœurs, ont honoré l’Académie ; enfin l’on a sans doute pensé que le choix des travaux Académiques rassemblés & rendus publics un jour, répandroit dans la société & dans la Nation, des connoissances nécessaires pour parler & juger convenablement des productions Artielles.

Les objets propres à des conférences sont inépuisables, relativement aux Beaux-Arts ; & quoiqu’il existe sur cette matière un nombre considérable de livres & de brochures de toute espèce, on peut avancer qu’il n’existe point encore d’ouvrage méthodique, suivi, complet & composé sur un plan général.

Un corps d’ouvrage aussi intéressant & aussi utile que celui que j’indique ici pourroit l’être, n’existe pas même en Italie, où les Arts ont été cultivés si honorablement par des hommes célèbres dont plusieurs joignoient la connoissance des Lettres à celle de plusieurs Arts qu’ils pratiquoient avec succès. Ce corps d’ouvrage ne peut être vraisemblablement composé que par des sociétés Académiques, dont les Membres distingués écriroient sur les parties auxquelles ils se seroient plus particulièrement attachés. On doit penser que des matériaux de ce genre, mis en œuvre d’après un plan déterminé, rédigés ensuite, & examinés par ceux qui n seroient les plus capables, formeroient un monumens propre à honorer