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Alcine donc, de ses deux bras charmans
Soutient & meut d’une grace infinie,
Sa blanche main, point trop grande, arrondie,
Douce au toucher, & ses doigts étagés
Jolis suseaux, qui, dans leur symétrie,
Semblent au tour finement prolongés.

SI vous voulez terminer la peinture,
Imaginez tout ce que la parure.
Soumise au goût, dans ses riches travaux,
Peut a oûter sur un corps sans désauts,
En respectant la grace & la nature.

Je me permettrai de joindre à ces détails de la beauté d’Alcine, quelques-uns de ceux dont le même Auteur, ou pour parler mieux, le même Peintre embellit la figure d’Olimpie, & je hasarderai d’offrir ainsi une Académie poëtique, dessinée par un grand maître, qui colore son dessin pour le rendre plus agréable & plus vrai.

La neige pure éblouit moins les yeux
Que ce satin, au doux toucher flexible,
Ce tissu fin & surtout si sensible
Dès que l’anime un desir amoureux.
Le sein mouvant, qui s’élève & palpite,
Ressemble au lait sur des clayons bien pris,
Qui, sous le doigt curieux & surpris,
En résistant & tressaille & s’agite ;
Mais promenant vos regards enchantés,
De chaque flanc admirez les beautés.
Suivez ce trait d’une forme si pure
Qui, plus saillant, prononce les côtés ;
Et prolongé dans sa douce courbure,
Vient embrasser un espace arrondi,
Que vers son centre élevé, mais uni,
D’un petit creux décora la nature.
Ainsi Vénus, sur le flot azuré,
Vénus naissante, à l’art du Statuaire,
Offre un modèle à jamais admiré.
De celui-ci, non moins digne de plaire,
Suivons encor les contours ondoyans,
Qui, variés dans tous les mouvemens,
Avec souplesse accusent les jointures.
Voyons plus bas : par de douces enlures,
La cuisse blanche au milieu s’arrondir,
Voyons la jambe à propos s’amincir,
Et les deux pieds, de gentilles mesures,
Qu’un Art gênant n’osa jamais meurtrir,
Ornés de doigts, qu’un doux carmin colore
Et que Nature a le soin d’embellir
De cent beautés que le vulgaire ignore.

BERCEAU, (subst. masc.) Le berceau est un outil qui appartient à la Gravure, & principalement à celle qu’on nomme gravure en manière noire. Le second Dictionnaire offrira des détails


méchaniques & théoriques sur les différentes opérations de l’Art de graver. On trouvera aussi, dans les planches gravées qui y auront rapport, les formes du berceau, & celles de tous les outils & de tous les ustensiles dont on se sert pour produire des estampes.

Je me contenterai de donner, dans cet article, quelques notions très-générales.

Le berceau est un outil d’acier, armé de petites dents presqu’imperceptibles. Il sert principalement à préparer une planche de cuivre, de manière que, lorsque l’opération est faite, le cuivre sur la surface duquel on a promené en tous sens & appuyé en berçant l’outil dont il s’agit, se trouve couvert de petits trous & d’imperceptibles aspérités ; la planche, dis-je, préparée ainsi, produit alors sous la presse, à l’aide du noir d’impression qui s’y attache, une épreuve d’un noir velouté & d’une teinte parfaitement égale. Lorsque l’ouvrier est parvenu à cette préparation absolument méchanique de la planche, l’Artiste commence à opérer, en enlevant avec des lames d’acier bien coupantes & en faisant disparoître à l’aide du brunissoir, les aspérités & les trous dans les endroits qu’il a dessein de rendre plus ou moins lisses, pour représenter l’effet du clair-obscur par des nuances plus lumineuses, ou bien absolument blanches enfin, lorsqu’il rend au cuivre son poli parfait pour imiter les lumières que représente le blanc pur du papier. Ces moyens, employés avec une intelligence éclairée & avec adresse, opèrent une dégradation precieuse, sur-tout si l’Artiste respecte l’exactitude des formes de chaque objet.

On voit que ce genre de travail ou de gravure a pour objet de détruire l’ouvrage du berceau & de distribuer, pour ainsi dire, du blanc par-tout où il le croit nécessaire ; au lieu que dans la gravure à la pointe ou au burin, le Graveur qui opère sur une surface absolument lisse & polie, distribue du noir sur cette surface blanche ; d’où il résulte que ce dernier Artiste grave plus réellement le cuivre que l’autre, qui ne fait que détruire artistement ce que l’ourier a gravé avec le berceau.

La gravure à la pointe ou au burin se trouve, par la nature des opérations dont je viens de donner une idée, plus susceptible de l’expression qui naît de l’ame, parce que l’ame transmet d’autant mieux sur le cuivre l’idée qu’elle a des objets, que l’opération de la main qui lui obéit est plus prompte. Le trait & la touche qu’on forme lorsqu’on grave à la pointe, sont souvent aussitôt exécutes, pour ainsi dire, que pensés, tandis que l’opération d’ôter le noir de la planche, pour ne laisser que celui qui doit représenter ce trait & cette touche, est longue, & donne lieu à l’ame de se refroidir ; car l’esprit & le sentiment ou l’ame, voudroient toujours


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