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ne suppose pas toujours que la convention soit générale & unanime.

Disons à présent un mot de chacune des distinctions que je viens de présenter, en prévenant toujours que je crois plus avantageux d’offrir, dans cet ouvrage, des apperçus élémentaires rapprochés les uns des autres, que tous les détails qu’ils supposent, parce que les élémens restent plus aisément dans l’esprit ; que d’ailleurs les Lecteurs, disposés à méditer & à observer, peuvent suppléer aux détails & aux idées intermédiaires, par-dessus lesquelles je me suis permis de passer.

La beauté qui naît du maintien, du repos, de l’action, de la démarche, du mouvement, du geste, a bien pour base les proportions exactes des parties solides de la charpente intérieure, & même les dimensions des parties moins solides qui recouvrent les premières ; mais il faut y ajouter une justesse de pondération & d’équilibre symmétrique dans la distribution de la pesanteur des parties, une flexibilité prompte, douce & exacte des leviers dans les balancemens successifs qu’occasionne le déplacement des parties dans le mouvement & jusques dans le repos & dans le sommeil.

C’est ici que vient se placer naturellement une partie de l’idée de la grace, puisque, dépendante de l’accord instantané des mouvemens du corps & de l’expression des traits avec les sensations, les sentimens & les idées spirituelles, il est indispensablement nécessaire que tous les principes que j’ai désignes concourent à cet accord pour le rendre le plus instantané possible. On trouvera ces élémens plus détaillés à l’article Grace.

La beauté de convenance est relative, comme je l’ai dit, aux faits ou actions, à leurs circonstances, à celles de l’âge, de l’état, du rang, & la bienséance, ou plutôt les bienséances y ont leurs droits.

La beauté relative aux faits, aux actions & à leurs circonstances, consiste dans le choix que la nature semble faire quelquefois, en assortissant la beauté sensuelle, sentimentale ou spirituelle d’une figure à une action, ou bien à une circonstance.

Une scène d’amour sensuel, par exemple, se contente d’une beauté qui, moins disposée aux impressions & aux expressions les plus fines, les plus délicates du sentiment ou de l’esprit, le sera davantage aux impressions des sens. L’Artiste aura atteint la beauté de convenance, lorsque, d’après cette relation, il aura choisi les formes qui conviennent davantage.

La beauté relative à l’âge, indépendamment de tout ce qui lui est commun dans les élémens précédens, en a qui lui sont particuliers.


Par exemple, la beauté de l’enfance a pour base des proportions de parties plus ou moins solides & des dimensions de forme ; mais les parties destinées à devenir solides ne le sont pas encore à cet âge, & ces parties changent presque de moment en moment, jusqu’à ce qu’elles soient parvenus à leur développement complet. Il en est même qui restent assez long-temps cartilagineuses, & qui tiennent, pour ainsi dire, un milieu entre les parties solides & celles qui ne le sont pas.

Ces dernières, à leur tour, reçoivent dans leur premier accroissement des dimensions apparentes qui paroissent infiniment plus considérables que les proportions ne sembleroient le demander, & ces gonflemens ou renflemens des parties molles qui nous plaisent dans les enfans, changent de dimensions & même de place, depuis la première enfance jusqu’à l’adolescence, ou jusqu’au terme de la virilité. Aussi la tête, qui, dans l’homme formé, est la septième partie de la longueur totale de la figure, n’est que la cinquième dans quelques momens de l’enfance, & se trouve même aux premiers termes de cette enfance, dans une proportion encore plus éloignée de celle qu’elle doit recevoir & conserver.

La beauté de l’enfance ne consiste donc pas précisément dans les proportions, puisqu’elles ne sont pas fixes, comme elles le deviennent dans l’homme & dans la femme absolument développés ; mais elle consiste, en supposant qu’il n’y ait point de difformités sensibles, dans l’apparence de la santé & dans l’ingénuité, soit qu’on applique ce terme au moral, soit que figurément on désigne par-là un certain abandon souple & naïf dans les mouvemens. Enfin, dans la fraîcheur, la blancheur, les nuances colorées de la peau, & dans la grace qui, comme je l’ai dit, consiste moins dans des proportions parfaites, que dans l’accord prompt & juste des affections simples & intérieures, avec les expressions & mouvemens extérieurs ; ce qui a lieu principalement dans l’enfance & dans la première jeunesse.

La beauté particulière de la jeunesse & de l’adolescence, a pour base la proportion des parties solides, qui devient plus fixe : mais elle admet quelques défauts de développemens dans les dimensions des parties qui sont moins solides, auxquels suppléent la santé, la vie, une vigueur naissante, la promptitude de l’action, celle des mouvemens & des expressions, enfin une certaine fleur de jouissance, si l’on peut s’exprimer ainsi, des facultés & de l’existence entière qui plait aux yeux, & qui réveille dans l’esprit & dans le cœur des impressions vives & aimables.

La beauté de l’âge viril exige les signes de la force & la perfection de l’accroissement. Les sens, le cœur, l’esprit, sont satisfaits en voyant une parfaite représentation de cet âge, quoiqu’ils