Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54 BAM BAS


préluder sur son violon à l’accord pittoresque de son tableau. Il peignoit des chasses, des fêtes, des foires, des paysages, & les figures dont il les animoit étoient dessnées sinement, & peintes avec une couleur vigoureuse & naturelle.

Comment s’est-il fait que son nom, transmis dans le langage de l’Art, y ait porté plus généralement le souvenir de sa disgrace que de son talent. Hélas ! c’est que la dérision imprime des traces plus ineffaçables que la louange. Cette réflexion un peu triste prépare le lecteur à apprendre encore que la vieillesse de Bamboche ne fut pas semblable à sa jeunesse. La nature, plus souvent bizarre qu’elle n’est conséquente, après l’avoir maltraité sans raison, dédommagé avec usure, parut se repentir encore de sa justice & détruisit sa santé : elle le fit tomber dans une mélancolie funeste. Il vécut trop de quelques années, & c’est ce trop ou ce trop peu d’existence qui décide du bonheur & de la réputation de la plupart des hommes. Cette mesure n’est pas à notre disposition ; nais on auroit droit de ma reprocher si je n’en mettois pas une à cette notice épisodique. Je la termine donc en disant que, depuis Pierre de Laar, on appelle Bambochade, de son nom, des figures qui ont l’empreinte de ses disgraces. C’est ainsi que Calot, en se permettant des productions bizarrement ridicules, quoique dessinées & gravées avec beaucoup d’esprit, a créé un genre de caricatures qu’en riant on appelle des figures à calot, des figures calotines.

Au reste, on appelle aussi dans le langage plus sérieux de la Peinture, Bambochade, une sorte de genre qui embrasse la représentation de la nature rustique, les habitations des Villageois, leurs usages ou leurs mœurs vulgaires.

Le goût devroit présider au choix de tout objet qui entre dans les imitations ; mais souvent c’est le penchant & le caractère de l’ Artiste qui y influent davantage. Moins les objets sont importans, plus il semble que nous avons un juste droit de les abandonner à notre penchant, & même à nos caprices. Aussi dans les différentes sortes de Bambochades, les uns choisissent jusqu’aux baraques des habitans les plus pauvres de la campagne ; d’autres, comme Teniere, le premier Peintre de ce genre, sans dédaigner ces indices de la misère, peignent les habitations & les hommes rustiques dans la simplicité qui leur convient & qui souvent annonce un plus vrai bonheur que les maisons que le faste décore.

Lorsqu’on considère l’Art d’un point de vue moins élevé que celui lue j’ai osé prendre à l’article ART & dans le premier Discours, toute imitation est estimable, si elle offre la vérité, & si elle est conforme aux principes pratiques de la Peinture. Une Bambochade, peinte avec la plus grande ressemblance dans les formes, dans la couleur, dans les objets, est un excellent tableau. Il vaut


mieux personnellement, si l’on peut parler ainsi, qu’un tableau de l’histoire la plus importante mal exécuté, comme un Villageois honnête, de bon sens, & remplissant parfaitement son état, est préférable au plus grand Seigneur qui ne se soumet à aucune convenance. L’ordre hiérarchique, établi par la nature même entre les genres de talens, & qui doit y être conservé pour leur plus véritable avantage, ne peut donc nuire à la justice personnelle dûe aux Artistes. Aucun d’eux, si j’ai l’avantage d’en être bien connu, ne pensera que j’aie voulu, dans les notions que j’ai développées, altérer la moindre fleur de sa couronne. Les vrais principes s’établissent d’euxmêmes, ils ne doivent blesser personne, & les jugemens particuliers sur les talens ne sont ordinairement fâcheux que pour ceux qui n’ont point de talent.

BAS, (adj.) Caractères bas, genre bas, voilà ce que le goût épuré exclut de tous les Arts, avec une répugnance impérieuse ; mais cette exclusion ne demande-t-elle pas quelques adoucissemens & quelques exceptions dans la Peinture, & n’exerce-t-elle pas effectivement des droits moins rigoureux dans certains Arts que dans d’autres ? Voilà ce qu’il n’est pas inutile d’examiner ici.

La Poësie, qui ne tombe sous les sens qu’à l’aide de signes convenus, ne pouvant présenter comme la Peinture une imitation physique, ne peut offrir certaines perfections d’exécution qu’on admire dans un tableau.

Le Peintre peut, en imitant un objet, pour lequel l’esprit sentira quelque dégoût, présenter aux yeux, par l’imitation savante de la couleur & des formes de cet objet, des beautés qui dédommagent, en quelque sorte, de la répugnance qu’il cause en lui-même. Il peut arriver encore que ces beautés l’emportent tellement, pour des yeux instruits, sur le juste éloignement dont je parle, que le Connoisseur & l’Artiste enfin, s’écrient dans un mouvement d’admiration : Ah ! que cela est beau ! il est vrai que, par un retour secret sur cette expression, ils la modifieront, en ajoutant : Quelle vérité ! quelle couleur ! quel effet ! Pourquoi un si savant homme n’a-t-il pas fait un autre choix ?

Ce qu’on peut ajouter, c’est que, si l’Artiste ne paroît pas avoir eu une intention trop marquée de fixer nos regards sur un objet bas, par préférence & comme objet principal. Le spectateur sera porté à l’indulgence, en supposant toujours que les beautés de l’Art dédommagent de ce que le goût & la délicatesse veulent bien céder de leurs droits. Il est même des occurrences où l’on saura gré au Peintre d’avoir hasardé la representation dun objet bas, si cet objet occasionne un contraste heureux, & s’il relève le prix de la beauté, en procurant une opposition ingénieuse.

Reprenons ces divers emplois des objets bas.