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Ces idées d’austérité, bien plus répandues autrefois qu’elles ne le sont aujourd’hui, sont entrées & sont restées dans le langàge figuré. L’Art les emploie ainsi pour faire entendre une certaine sévérité exclusive, dévouée à ce qui est sérieux, grave, & qui se refuse à ce qui s’éloigne de ces caractères.

De-là dérivent ces qualifications : Composition austère, manière austère, sujet austère, Peintre austère.

On peut considérer cette austérité pittoresque sous trois différens rapports :

Comme relative à l’Art, ou bien au caractère des sujets, ou bien enfin au caractère de l’Artiste.

L’austérité, relative à l’Art, prescrit dans le dessin, avec la correction, une certaine fermeté prononcée, dans la composition, une simplicité qui se refuse à presque tour ornement ; enfin, une couleur vraie, mais sérieuse, sans manière & sans éclat.

L’austérité, envisagée comme caractère de certains sujets, est relative à ceux de ces sujets qui s’accommodent le mieux aux principes dont je viens de parler ; telles sont les actions, les expressions, les évènemens graves qui ne demandent que peu de personnages & le moins d’accessoires possible.

Un seul personnage, par exemple, dont l’intention, dont l’action est grave, triste même, méditative, imposante, entraîne celui qui en est le témoin à une attention concentrée, qu’on peut appeller austère, parce que l’ame se refuse à toute distraction, & que celui qui peint cet homme est comme forcé à prendre son caractère.

Ainsi par les rapprochemens d’idées, qui sont les bases du style figuré, on doit appeller austères, les sujets qui se refusent, lorsqu’on les écrit ou qu’on les raconte, aux agrémens que comporte ordinairement le récit & qui font regarder cette abstinence comme un mérite.

Un Religieux exténué par le jeûne & la prière, qui, seul en un désert, médite sur l’avenir, en fixant ses yeux, mouillés par le repentir, ou troublés par l’épouvante, sur une tête de mort, est un sujet austère. Ce sujet exige une représentation aussi simple, que le récit qu’on en peut faire, & contraint, pour ainsi dire, l’Artiste à renoncer à tous les agrémens que demanderoit ou permettroit une autre composition. Enfin, tout sujet grave & simple, où l’unité d’intérêt rend l’attention profonde & l’attache fortement & comme exclusivement, peut être caractérisé par le mot austère.

Je passe à l’application de ce terme, lorsqu’il regarde particulièrement l’Artiste.

Les hommes reçoivent avec l’existence, une complexion physique qui influe puissamment sur la manière dont ils envisagent tout ce qui se présente à eux dans le cours de leur vie. Ce tempé-


rament décide du choix de leurs occupations, lorsqu’ils sont libres de les choisir, & influe sur leurs idées, sur leurs discours, sur leur physionomie, sur leur démarche, sur leur maintien, sur leurs plaisirs comme sur leurs travaux.

On pourroit dire qu’à cet égard ils ressemblent aux Peintres, qui, portés naturellement à un certain coloris, l’emploient dans tous leurs ouvrages. Nous prêtons, en effet, comme eux, la couleur morale qui nous est propre à tout ce qui nous environne. L’homme insouciant & gai saisit dans l’évènement le plus sérieux quelque circonstance plaisante. L’homme mélancolique trouve dans les évènemens les plus gais quelque circonstance assortie à son humeur, & plutôt que d’en sortir, il suppose, s’il le faut, quelque suite funeste, dont il emprunte, avant qu’il en soit temps, la couleur sombre qui le satisfait davantage.

Ceux qui s’occupent des Arts ont plus d’occasions que les autres hommes de suivre l’inspiration de leur caractère ; leurs occupations, loin de les séparer des scènes de la vie, les en rapprochent, &, comme Artistes, ils les reproduisent sans cesse dans leurs ouvrages, en les dessinant, les colorant d’après leur manière propre & leur tempérament.

Le Peintre sérieux, sévère ou mélancolique, choisit donc, autant qu’il le peut, des sujets austères, ou tristes.

Pour revenir à l’austérité, relative à l’Art, j’ajouterai qu’elle paroît avoir de nos jours quelque chose de trop imposant, parce qu’elle se trouve peu d’accord avec les mœurs, les usages & les goûts actuels. Il est cependant certain que le genre austère n’est pas si éloigné des grandes perfections que le genre que nous nommons gracieux, dans le sens que nous donnons à ce mot. Nous nous refuserons toujours davantage à ce qui est austère, à mesure que nous aurons moins d’attrait pour les idées simples. C’est un effet inévitable de la marche des idées ; le grand, le noble, le sérieux, l’austère doivent perdre d’autant plus de leur mérite pour nous que nos Arts libéraux prendront de plus en plus le nom d’Arts agréables.

Ce n’est pas que l’austérité ne puisse entraîner quelquefois à ce qu’on appelle en terme d’Art, pauvreté, ou bien à une tristesse blâmable, lorsqu’elle n’est pas attachante & exigée par le sujet.

On sent aisément que le mot austère étant très-figuré, doit conserver quelque chose de vague, & se trouver sujet à être employé comme louange & quelquefois aussi dans un sens moins favorable.

AZ

AZUR, (subst. masc.) Couleur qui est en usage dans certaines manières de peindre. Voyez dans la seconde partie les articles Peinture & Peindre, Qui contiennent les différens procédés de l’Art.


Beaux-Arts. Tome I. G