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Sphinx, leurs Dryades, les Faunes, les Génies & ces enfans célestes, qui, voltigeant, caressent ou blessent les mortels au gré de leurs caprices. Ces Artistes instruits peuplent encore leurs compositions d’animaux chimériques ou réels ; ils rappellent les cultes bizarres qu’on leur a quelquefois rendus, ainsi qu’aux divinités tant célèbrées par tous les Arts ; & près des statues de Diane, de Vénus, de Flore ou d’Hébé, ils suspendent des guirlandes, des couronnes, des instrumens de musique & des trophées ; ils dressent des autels, des trépiés chargés de cassolettes, d’où s’exhale la fumée des parfums. Les vases les plus élégans sont couronnés par des chapeaux de fleurs ; les feuillages entourent des bas-reliefs, des cammées, des tableaux qui rappellent les vœux offerts dans les temples : des ornemens symboliques accompagnent, parent, & caractérisent les divinités graves, ou celles qui présidoient aux plaisirs des hommes. Ils n’oublient pas celles qui annoncent les saisons, les mois, l’amour, la guerre, la chasse, la pêche, enfin la sagesse ou la folie.

C’est lorsque le Peintre d’arabesques en est à ce dernier caractère, qu’il doit mettre une mesure à ses caprices & rappeller ce sentiment des convenances & des conventions reçues ; ce goût enfin, qui, d’après la juste relation que doivent avoir les choses entr’elles, contiendra son délire ; & si cette loi lui semble trop austère pour un genre qu’il pourroit croire absolument libre & indépendant de toute règle, qu’il fixe un regard sur les modèles en ce genre que Raphaël a consacrés au Vatican, & qu’il soit bien convaincu que plus on s’en écarte, plus on s’éloigne des véritables convenances du genre.

Artistes, qui, par délassement de travaux plus sérieux, vous exercez à composer des arabesques, que vos rinceaux, que les agencemens des parties souples & flexibles dont vous faites la charpente légère de vos ornemens, n’ayent donc rien de forcé ; que l’élégance & la grace les disposent. Il faut qu’en les voyant, on imagine qu’un hasard, un vent léger, la plus naturelle industrie, celle d’un enfant, ont courbé, enlassé, guirlandé les jeunes branches des arbrisseaux & les fleurs que vous employez. Moins on met d’effort à former une couronne de roses, plus son contour est agréable. La peine laisse partout sa trace. On le voit, on le sent dans l’exppression, dans le discours, dans le geste, dans l’action & dans tout ce qui est susceptible d’aisance, de naturel & de grace.

Songez encore, lorsque vous placez les objets dont vous enrichissez vos arabesques, & quand vous les disposez les uns sur les autres, pour remplir un espace, souvent ingrat, auquel vous êtes assujetti, songez, dis-je, que ce qui est plus solide doit, soutenir ce qui est plus léger,


Tout ce qui s’élève, soit par la végétation, soit par l’industrie naturelle des hommes, suit cette loi nécessaire. D’ailleurs, tous les objets tendent à diminuer & à s’alléger d’autant plus qu’ils s’éloignent de la terre & qu’ils participent davantage de l’air qui les invironne.


La pondération est une loi universelle. Les corps, les plus légers même, y sont sourmis. celui qui regarde un objet manquant d’appui, un poids qui ne paroît pas suffisamment soutenu, un assemblage de parties non équilibrées, éprouve une sensation inquiète & pénible.

La symétrie & certain balancement dans la composition, qui équivaut à la symétrie, sont par conséquent des obligations que vous impose presque tout ce que vous, voyez dans la Nature ; non cependant qu’elle soit toujours régulièrement symétrique ; mais lorsqu’elle ne l’est pas, elle se montre au moins équilibrée, & si l’homme le considère lui-même, il retrouve & apperçoit continuellement dans ses semblables, ainsi que dans tous les animaux vivans, des parties disposées symétriquement & toujours balancées & équilibrées dans le mouvement & dans le repos. C’est ainsi que l’homme, qui voit & juge presque tout en lui par lui, acquiert nécessairement un penchant irrésistible à placer symétriquement tout ce dont il dispose, & cette disposition, indiquée physiquement & inspirée par la Nature, est peut-être un des premiers & secrets principes de l’ordre moral qui lui est si nécessaire.

Les principales loix de vos ordonnances sont donc la légèreté graduée, en partant des bases, ainsi que la symétrie & un balancement dans la disposition des objets qui satisfasse le regard.

La variété est encore une de ces loix. Vous devez d’autant plus vous y soumettre que les objets que vous employez étant peu intéressans, attachent moins, & que l’on desire, par cette raison, d’en voir un plus grand nombre.

Mais si l’on attend de vous une d’autant plus grande variété que vous avez plus d’objets à votre disposition, d’une autre part, on exige que vos compositions destinées ordinairement à se trouver placées d’une manière relative les unes aux autres & à se présenter dans un ordre symétrique aux lieux qu’elles décorent, ayent une sorte de ressemblance & de rapport entr’elles, & ce rapport impose des loix aux variétés dont votre imagination pourroit être trop prodigue.

Il n’est pas inutile d’observer que les arabesques admettent des allégories. Elles peuvent hasarder de dire quelques mots à l’esprit, en amusant les regards ; mais gardez-vous de prétendre à leur faire tenir des discours recherchés & trop suivis, sur-tout si vous leur donnez un sens moral & sérieux. L’esprit mal employé est le plus ordinairenient une affectation qui déplaît, ou une pèdanterie qui choque.