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sujets voluptueux, mais si souvent maniérés aujourd’hui, pour lesquels vous vous enthousiasmez, ils ne se seroient jamais élevés au point d’immortaliser leurs noms & leur pays. Encouragez donc, ou au moins ne découragez pas les études sévères & indispensables. Cachez, pour votre propre intérêt, ces répugnances faites pour des Sybarites, si, non-seulement les objets, mais les noms sévères vous blessent, vous avez peu de chemin à faire pour vous trouver incommodés du pli d’une rose.

ANIMÉ, (part. pass.) Le sens de ce terme a moins d’énergie que le mot ame. Lorsqu’on dit d’un homme qu’il a de l’ame, on entend qu’il a une force d’esprit particulière, ou une sensibilté distinguées ; si l’on dit : cet homme est animé, cette expression ne s’entend souvent que d’une sorte d’activité momentanée dans les mouvemens, ou dans le discours, qui se rapporte à l’instinct de tout être vivant & à l’action ordinaire des sens.

Le mot animé étant devenu en quelque façon foible & peu significatif, on lui a substitué plusieurs expressions exagérées ; telles que sont les mots enflammé, embrâsé, & l’on joint à ces mots ce qui caractérise l’objet de l’agitation qu’ils expriment.

Ainsi, au lieu de dire animé, on dit : enflammé, embrasé de courroux & de fureur, de désir, de vengeance & d’espoir ; mais ces manières de s’énoncer produisent assez peu d’effet, lorsqu’elles sont prodiguées, parce qu’elles tendent à l’exagération, & elles peuvent souvent être regardées comme lieux-communs.

Quant au sens du mot animé, il a plus de force dans son rapport avec les ouvrages des Arts, que dans toute autre acception, parce que dire d’un objet absolument matériel, qu’il est animé, c’est une manière de parler très-figurée. Ainsi, lorsqu’on dit : cette peinture est animée, ces figures de bronze sont animées, ce marbre est animé ; l’expression est forte & le devient d’autant plus que les difficultés de l’exécution & celles qui proviennent de la matière s’opposent davantage à l’illusion qu’on a dessein de produire. Par ces raisons, la nature physique du marbre, du porphyre, du bronze, matières indociles & mortes, semble donner au mot animé une énergie plus forte que s’il s’agissoit de l’argille & de la cire.

Il est aisé de sentir la marche conséquente de l’esprit dais ces différences. C’est aux lecteurs à en faire des applications plus étendues, & à moi de m’adresser particulièrement aux Élèves de l’Art.

Vous dire qu’il faut que vos figures paroissent animées, ce seroit me donner pour Législateur à peu de frais.


Il est facile de prononcer des loix générales, qui, établies de tout temps & incontestablement, ne donnent aucun mérite à ceux qui les répètent, & sont d’un foible secours à ceux qui les écoutent.

Lorsqu’on représente un homme, le projet est de le représenter vivant ; quant aux moyens d’y parvenir, c’est-à-dire de peindre le mouvement de l’ame, ces moyens résultent du complément de la théorie & de la pratique de l’Art, mais principalement encore de la vertu communicative & productrice de l’ame des Artistes.

Moins l’imitation que vous faites d’une figure vivante paroîtra animée de quelque sentiment particulier ; moins vous aurez approché du but le plus noble des imitations, & moins vous satisferez le penchant qui fait desirer dans toute imitation, celle du mouvement.

Le mouvement est l’ame de la nature ; l’illusion qui rappelle l’idée de ce mouvement devient l’ame de vos ouvrages. Le desir de conserver ce qui nous échappe, de suppléer à des privations, de reproduire des émotions, voilà en général les motifs qui nous portent aux imitations & à vouloir que dans ces imitations, on nous rende jusqu’aux mouvemens qui ont existé & qui ont disparu. Nous voudrions voir couler encore l’onde qui s’est écoulée ; nous souhaiterions rendre au jour l’éclat qu’il perd. C’est ce desir universel qu’il faut que vous contentiez. Il est en vous comme dans ceux qui desirent vos ouvrages ; mais ceux-ci vous supposent, dès que vous prenez le nom d’Artistes, le pouvoir de le satisfaire.

ANTIQUE, (adj.) Les mots antique, vieux, ancien, sembleroient exprimer également ce qui appartient à des temps éloignés ; cependant ces expressions ne peuvent pas toujours se substituer l’une à l’autre. On dit, les siècles antiques, & non pas, les vieux siècles. Cette expression, le bon vieux temps, est consacrée. On ne diroit pas, le bon antique, le bon ancien temps ; il se forme dans toutes les langues des unions de mots qui deviennent indissolubles. Chaque portion de nos connoissances en adopte quelqu’une, s’approprie quelques termes ; & par droit de propriété, elle leur attribue des sens différens même de ceux qu’ils ont dans l’usage ordinaire.

Le mot anciens au pluriel, signifie dans les Lettres les productions des siècles anciens, dont le souvenir a mérité d’être conservé. On dit : lisez, consultez les anciens.

Enfin, l’adjectif antique, adopté & consacré particulièrement dans nos Arts, y a reçu les droits de substantif ; & l’on dit l’antique, le bel antique, pour signifier ce que nous connolssons de plus distingué en statues. en bas-reliefs, en médailles & en pierres gravées, reste précieux des siécles


Beaux-Arts. Tome I. D