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2°. dans l’état de culture où elles sont entretenues par les labours.

Sous le nom de terres incultes, Duhamel comprend toutes celles qui ne sont point dans l’état de culture ordinaire, c'est-à-dire, qui n'ont jamais été cultivées, ou qui ne l’ont pas été depuis long-tems. Il range ces terres en quatre classes : 1°. celles qui sont en bois ; 2°. celles qui sont en landes ; 3°. celles qui sont en friche ; 4°. celles qui sont trop humides.

I. Pour ensemencer une terre, il faut la fouiller : c’est le cas où se trouvent les bois ; mais ils offrent des obstacles qu’on ne peut vaincre sans des travaux considérables. Autrefois on se contentoit d’y mettre le feu ; aujourd’hui, plus éclairé sur ses propres intérêts, on enlève les grosses racines, & la vente de leurs bois paie les frais de l’opération.

Aussi-tôt après on égalise le terrain autant qu'il est possible, pour donner ensuite un labour en automne, avec une forte charrue, afin que les gelées d’hiver brisent les mottes, fassent mourir les mauvaises herbes. Au premier printems, on donne un second labour, après lequel on sème des grains de ventôse, qui produisent une récolte très-abondante. On continue à cultiver ces sortes de terrains, comme ceux qui sont en bon état de culture.

Si ces sortes de terrains en bois sont encore remplis de genêts, d’aubépine, de bruyères & d’autres broussailles, un labour avec une sorte de charrue ne suffit pas pour les mettre en bon état. Dans ces circonstances, Duhamel fait fouiller la terre pour arracher les racines avant d’y faire passer la charrue, qu’on risqueroit de briser à cause des obstacles qu’elle rencontreroit à tout instant de la part des racines & des broussailles. Cette opération très-coûteuse, exécutée à bras, est faite à peu de frais en employant la charrue à coûtres sans soc : il la fait passer deux fois dans toute l’étendue du terrain, en ayant attention de croiser les premières raies au second labour : par ce moyen, toutes les racines sont coupées. Un second labour, avec une forte charrue, renverse aisément la terre, parce qu'il n'y a pas d'obstacle qui s’oppose à la direction qu’elle suit dans la marche. Ces terres, qu’on pourroit appeler vierges relativement aux grains, fournissent pendant plusieurs années d’excellentes récoltes sans le secours des engrais, & elles peuvent en produire de semblables lorsque la terre commence à diminuer de force en minant ce terrain, c’est-à-dire, en lui donnant une culture à la bêche, en faisant une espèce de fosse de dix-huit à vingt pouces de profondeur : on le comble à mesure qu’on creuse le suivant, & ainsi successivement l’un après l’autre. Cette opération longue &


coûteuse rend à la terre sa première fertilité. Aux cultivateurs effrayés par cette dépense, Duhamel propose l’observation suivante.

« Qu’on fasse attention que les frais d’une telle culture sont une avance faite, dont on sera amplement dédommagé par les récoltes qui la suivront. Les fumiers qu’on auroit été obligé de mettre pendant plusieurs années, seroient un objet de dépense au moins aussi considérable que la façon de cette culture, & ils ne bonifieroient pas le terrain avec autant d’avantage. »

II. On nomme landes, les terres qui ne produisent que des broussailles en général ; c'est-à-dire, du genêt, de la bruyère, des genévriers, &c. On réduit ces sortes de terrains en état de culture, par le moyen du feu, ou en coupant et arrachant toutes ces plantes. Si l’on n’a pas un grand intérêt à profiter du bois, le feu est le meilleur moyen & le plus court. En voici les raisons : 1°. les cendres de toutes ces mauvaises productions améliorent le terrain ; 2°. le feu qui a consumé toutes les plantes jusqu’aux racines, est cause qu'elles ne repoussent plus, quand même il en resteroit quelques-unes dan la terre ; 3°. en consumant toutes ces mauvaises plantes, on brûle aussi leurs graines qui auroient germé l’année suivante. Il y a bien des précautions à prendre quand on veut brûler des landes voisines des bois ; souvent il arrive que le feu s'étend & gagne la forêt.

Après avoir brûlé toute la superficie d’une lande, les racines des landes subsistent. Duhamel conseille de les arracher avec la pioche. Lorsque cette opération est faite, l’on donne un labour après les premières pluies d'automne, en ouvrant de larges & profonds sillons ; on sent aisément ses motifs.

Au printems suivant, il faut donner un second labour, après lequel on sème des grains de ventôse. La seconde année, il fait préparer la terre par trois labours pour y semer du froment Quand le terrain est fort & d’une bonne qualité, il ne conseille de semer du froment que la troisième année, parce qu'il seroit à craindre qu'il ne poussât beaucoup en herbe, & ne versât ensuite, avant la moisson. Ce n'est qu'à force de labour qu'on entretient ces terres en bon état de culture, en détruisant peu-à-peu les racines des plantes qui restent toujours, quelque soin que l’on prenne de les arracher.

Duhamel suit une autre méthode lorsqu’il veut profiter du bois des landes, soit pour brûler, ou pour en faire des fagots qu’on enterre dans les fossés des vignes, afin de les fumer. Après avoir coupé toutes les plantes, pour éviter l’opération longue & coûteuse de la pioche, il fait paser la charrue à coutres sans socs, tirée par