Page:Encyclopédie méthodique - Arts aratoires, T01.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
CUL CUL


le labourage qu’on le répandoit : souvent même il falloit le mêler avec d’autres fumiers pour qu’il ne brûlât pas les terres.

Les anciens avoient coutume de répandre les engrais avant de semer, ou lorsque les plantes étoient levées : la première méthode étoit la plus suivie. Lorsque les circonstances n’avoient pas été favorables pour fumer avant les semailles, immédiatement avant de sarcler, on répandoit le fumier en poussière. Columelle conseille de transporter les engrais & de les répandre dans le mois de septembre, pour semer en automne ; dans le courant de l’hiver & au déclin de la lune, quand on ne sème qu’au printems. Dans cette dernière circonstance, il fallait laisser le fumier en tas dans les champs, pour ne le répandre qu’immédiatement avant le premier labour. Selon le besoin des terres, il suivoit la méthode d’un de ses ancêtres, elle consistoit à mêler la craie avec les terres sabloneuses, & le sable avec les crayeuses. Il observait cette pratique pour les terrains en vigne, comme pour ceux à froment : rarement il fumoit les vignes, persuadé que les engrais, en augmentant la quantité du vin, en altéroient la qualité. Quand un cultivateur n’avoit pas les fumiers nécessaires pour l’exploitation de ses terres, il conseilloit d’y semer des lupins, & de les enterrer avec la charrue avant qu’ils fussent parvenus à maturité.

Des jachères. Quoique les anciens fussent persuadés que les molécules de la terre, extrêmement atténuées par les labours, étoient l’aliment pompé par les racines des plantes pour fournir à la végétation, ils s’apperçurent cependant que la trituration des parties terrestres n’étoit pas toujours un moyen efficace pour procurer aux végétaux la nourriture nécessaire à leur accroissement. Malgré la fréquence des labours, ils observèrent que les plantes languissoient dans un terrain presque stérile après plusieurs productions. Quelques agriculteurs crurent avoir trouvé la cause de ce phénomène, en disant que la terre vieillissoit. Après avoir observé un terrain abandonné & laissé sans culture, produire cependant de mauvaises herbes, ils imaginèrent qu’au bout d’un certain tems la terre reprenait sa première fertilité, & qu’elle étoit capable de produire des végétaux comme auparavant. Suivant cette opinion, la terre, susceptible d’épuisement par des productions trop fréquentes, pouvoit se lasser de fournir de nouveaux sucs aux végétaux. L’épuisement & la lassitude furent donc considérés comme la suite & l’effet d’une culture trop continue, & d’un labourage trop fréquent.

Pour obvier à ces inconvéniens & éloigner le terme de la vieillesse de la terre, les anciens ne crurent pas que le secours des engrais pût suffire. Il fallut donc établir des jachères, ou tems de repos absolu ; pendant cet intervalle plus ou moins long, relativement à la qualité des terres, elles n’étoient ni labourées, ni ensemencées ; toute culture cessoit, afin de ne point les forcer à donner leurs productions. Virgile a fait des jachères un principe important d’agriculture ; quoiqu’il conseille les fréquens labours pour diviser & atténuer la terre, il exige cependant qu’après avoir éré moissonnée, elle soit pendant une année entière sans être cultivée. Si l’on ne veut pas perdre la récolte d’une année, le seul parti qu’il y a à prendre, selon lui, consiste à l’ensemencer de lupins, de fèves, de vesces, ou autres légumes, après la récolte desquels il n’y a point d’inconvéniens d’ensemencer une terre en froment, parce que ces sortes de légumes, loin de l’amaigrir, la bonifient.

Columelle n’adopte point le système des jachères ; selon son sentiment, une terre bien fumée n’est jamais exposée à s’épuiser ni a vieillir. Aucun des agronomes anciens n’a aussi bien connu que lui les moyens propres à prévenir le dépérissement des terres.

Culture des Modernes.

Les principes de culture de Duhamel se réduisent en général à ces objets : 1°. au choix des instrumens de labourage ; 2°. à la fréquence des labours, & à la manière de les exécuter ; 3°. à l’épargne de la semence ; 4°. à la façon de cultiver les plantes pendant qu’elles végètent. &c. Duhamel est persuadé que pour faire une culture convenable, il faut choisir des instrumens de labourage propres à cultiver les terres, suivant qu’elles l’exigent, relativement à leur qualité. Il croit qu’une charrue légère, qui pique peu, qui est propre à cultiver un terrain léger, ou qui a un fonds de terre peu considérable, ne feroit qu’un mauvais labour dans un sol fort, argilleux, qui demande à être fouillé à une grande profondeur ; ce qu’on ne peut exécuter sans une forte charrue, autrement dite, à versoir.

L’usage du semoir paroît à Duhamel une invention très-utile pour se procurer d’abondantes récoltes, en épargnant la semence. Par le moven de cet instrument, elle est distribuée de manière que tous les grains lèvent & produisent des plantes vigoureuses, étant placées à une distance convenable les unes des autres. Suivant cette nanière de semer, & à l’exemple de Tull, il adopte la culture par planches.

Pour procéder avec ordre dans l’exposition des principes de culture que suit Duhamel dans l’exploitation des terres, nous les considérerons, 1°. suivant leur état inculte, ou en friche ;

Art aratoire.
I