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nes destinés à pomper les sucs qu’ils transmettoient aux végétaux ; que les molécules de la terre, extrêmement atténuées, mêlées avec certains sels, étoient le seul aliment analogue à chaque espèce de plantes. Avec de telles idées, est-il étonnant que leur manière de cultiver n’eût qu’un rapport immédiat avec les racines ? Sur ce principe, les labours furent établis, afin de bien atténuer la terre pour la rendre propre à être introduite dans les canaux des racines. Ils produisoient cet effet en faisant usage, après les labours, des herses, des rouleaux & des râteaux. Malgré toutes ces opérations, la terre s’épuisoit quand elle avoit donné plusieurs récoltes consécutives ; &, pour prévenir cet épuisement, il fallut avoir recours aux engrais, établir des jachères ou tems de repos.

Dans ses Géorgiques, Virgile prétend que les principes & la pratique de la culture doivent être établis & fondés sur la connoissance particulière du sol. Voici à-peu-prés comme il s’explique à ce sujet. Avant de mettre la main à la charrue, il est essentiel que le laboureur connoisse l’espece de terre qu’il se propose de mettre en valeur, pour savoir ce qu’elle peut produire. Il y en a qui sont propres à donner de belles moissons, d’autres sont favorables à la culture de la vigne ; dans les unes il est facile de former d’agréables vergers ; dans d’autres, on peut faire croître avec succès une herbe abondante pour la nourriture des bestiaux. De cetre manière de raisonner il conclut qu’il faut absolument connoître la nature, les qualités des différentes terres qu’on exploite, afin de les ensemencer, relativement à la nourriture qu’elles sont capables de fournir à la végétation des plantes.

Varron, dans ses Principes de culture, ne s’éloigne pas de ceux de Virgile ; il les établit, 1o. sur la connoissance du terrain & des parties qui le composent ; 2o. sur celle des différentes, plantes qu’on peut y cultiver avec avantage. Parmi les anciens agronomes, aucun n’est entré dans un aussi grand détail des différentes qualités de terre, relativement à leurs productions, que Palladius.

Pour la saison & les tems des travaux de culture, les anciens étoient dans l’usage de se régler sur le cours des astres. Virgile disoit qu’il falloit interroger les cieux avant de sillonner la terre, & avant de recueillir ses productions : suivant son sentiment, le cinquième jour de la lune étoit funeste aux travaux de la campagne ; le dixième au contraire, étoit très favorable. En gênéral, les anciens agriculteurs, & tous ceux qui ont donné des méthodes de culture, étoient persuadés qu’on pouvoit vaquer aux occupations champêtres tant que la lune croissoit, mais qu’il falloit les interrompre quand elle etoit sur son déclin.

Les labours sont une suite nécessaire de l’opinion des anciens agronomes, touchant le mécanisme de la végétation. Malgré cette opinion, les labours n’étoient point aussi multipliés qu’ils auroient dû l’être relativement à leur système, ils employoient differens instrumens capables de produire en partie cet effet. 1o. La charrue étoit d’abord mise en usage pour sillonner & ouvrir la terre ; 2o. les râteaux à dents de fer brisoient ensuite les mottes ; à leur défaut, une claie d’osier rendoit à-peu-pres le même service ; 3o. le rouleau perfectionnoit la culture : on le faisoit passer sur toute la superficie du terrain, afin de l’unir de l’égaliser parfaitement. Le nombre des labours nécessaires avant d’ensemencer, n’étoit point fixé : suivant, leurs principes, ils auroient dû être très-multipliés ; nous observons, au contraire, qu’ils labouroient moins fréquemment que nous. Virgile s’est éloigné, dans les préceptes sur la culture, de la méthode de ses contemporains ; il prétend que deux labours sont insuffisans pour disposer une terre à être ensemencée. Si l’on veut avoir des moissons abondantes, il pense qu’on ne doit point se borner à deux ni à quatre, mais agir selon le besoin des terres. Caton paroît n’en prescrire que deux, lorsqu’il dit : « Une bonne culture consiste premièrement à bien labourer, secondement à bien labourer, troisièmement à fumer.

Les anciens agronomes étoient dans l’usage de donner le premier labour très-légérement, persuadés que les racines des mauvaises herbes étoient mieux exposées à l’air, & plus tôt desséchées par l’ardeur du soleil. Les labours suivans n’étoient guère plus profonds : leur charrue, peu propre à fouiller la terre, ne pouvoit ouvrir des sillons que de cinq à six pouces de profondeur. Quoique leurs instrumens de labourage fussent moins propres que les nôtres à la culture des terres, ils avoient cependant soin de proportionner l’ouverture du sillon à la légèreté ou à la ténacité du sol. Dans un terrain léger & friable, le labour étoit superficiel ; profond dans un terrain dur, & autant que la charrue pouvoit le permettre. Virgile insiste beaucoup sur cette méthode, afin de ne pas donner lieu à l’évaporation de l’humidité nécessaire à la végétation, en faisant de profonds sillons dans un sol large. Dans un terrain fort argilleux, il veut qu’on ouvre de profonds & larges sillons, pour développer les principes de fécondité, qui seroient nuls pour la végétation sans cette pratique.

Suivant l’opinion des anciens, toutes les saisons n’étoient point également propres à labou-