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LA TERRE.

der, des dons extraordinaires qu’il montrait pour son jeune âge. Ah ! le gaillard ! en voilà un qui aurait l’œil et la poigne ! Et Nénesse avait dit qu’il reviendrait, accompagné de son père, après le déjeuner, afin de causer sérieusement.

En rentrant, M. Charles s’en entretint avec madame Charles qui, à son tour, s’émerveilla de trouver tant de moyens chez ce garçon. Si seulement leur gendre Vaucogne avait eu la moitié de ces capacités ! Il fallait jouer serré, pour n’être pas fichu dedans par le jeune homme. C’était la dot d’Élodie qu’il s’agissait de sauver du désastre. Au fond de leur crainte cependant, il y avait une sympathie invincible, un désir de voir le 19, même à perte, aux mains habiles et vigoureuses d’un maître qui lui rendrait son éclat. Aussi, lorsque les Delhomme entrèrent, les accueillirent-ils d’une façon très cordiale.

— Vous allez prendre du café, hein ?… Élodie, offre le sucre.

Jean avait reculé sa chaise, tous se trouvèrent assis autour de la table. Rasé de frais, la face cuite et immobile, Delhomme ne lâchait pas un mot, dans une réserve diplomatique ; tandis que Nénesse, en toilette, souliers vernis, gilet à palmes d’or, cravate mauve, se montrait très à l’aise, souriant, séduisant. Lorsque Élodie, rougissante, lui présenta le sucrier, il la regarda, il chercha une galanterie.

— Ils sont bien gros, ma cousine, vos morceaux de sucre.

Elle rougit davantage, elle ne sut que répondre, tant cette parole d’un garçon aimable la bouleversait dans son innocence.

Le matin, Nénesse, en finaud, n’avait risqué que la moitié de l’affaire. Depuis l’enterrement, où il avait aperçu Élodie, son plan s’était élargi tout d’un coup : non seulement il aurait le 19, mais il voulait aussi la jeune fille. L’opération était simple. D’abord, rien à débourser, il ne la prendrait qu’avec la maison en dot ; ensuite, si elle ne lui apportait actuellement que cette dot compromise, plus