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III


Les labours d’hiver tiraient à leur fin, et par cette après-midi de février, sombre et froide, Jean, avec sa charrue, venait d’arriver à sa grande pièce des Cornailles, où il lui restait à faire deux bonnes heures de besogne. C’était un bout de la pièce qu’il voulait semer de blé, une variété écossaise de poulard, une tentative que lui avait conseillée son ancien maître Hourdequin, en mettant même à sa disposition quelques hectolitres de semence.

Tout de suite, Jean enraya, à la place où il avait dérayé la veille ; et, faisant mordre le soc, les mains aux mancherons de la charrue, il jeta à son cheval le cri rauque dont il l’excitait.

— Dia hue ! hep !

Des pluies battantes, après de grands soleils, avaient durci l’argile du sol, si profondément, que le soc et le coutre détachaient avec peine la bande qu’ils tranchaient, dans ce labour à plein fer. On entendait la motte épaisse grincer contre le versoir qui la retournait, enfouissant au fond le fumier, dont une couche étalée couvrait le champ. Parfois, un obstacle, une pierre, donnait une secousse.

— Dia hue ! hep !

Et Jean, de ses bras tendus, veillait à la rectitude parfaite du sillon, si droit, qu’on l’aurait dit tracé au cordeau ; tandis que son cheval, la tête basse, les pieds enfoncés dans la raie, tirait d’un train uniforme et continu. Lorsque la charrue s’empâtait, il en détachait la boue et les herbes, d’un branle de ses deux poings ; puis, elle glissait de nouveau, en laissant derrière elle la terre mouvante et comme vivante, soulevée, grasse, à nu jusqu’aux entrailles.

Quand il fut au bout du sillon, il tourna, en commença