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LES ROUGON-MACQUART.

Fouan avait repris connaissance. Ses yeux grands ouverts se tournèrent avec lenteur, regardèrent fixement ; mais il ne remua pas la tête, il semblait pétrifié.

— Dites donc, père, y a trop de besogne, pas de bêtises !… Faut pas vous raidir aujourd’hui.

Et, comme Laure et Jules venaient de casser la cruche, il leur allongea une paire de gifles qui les fit hurler. Le vieux n’avait pas refermé les paupières, regardait toujours, de ses prunelles élargies et fixes. Rien à faire, alors, puisqu’il ne gigotait pas plus que ça. On verrait bien ce que le médecin dirait. Il regretta d’avoir quitté son champ, il se mit à fendre du bois devant la porte, histoire de s’occuper.

Du reste, Lise, presque tout de suite, ramena M. Finet, qui examina longuement le malade, pendant qu’elle et son homme attendaient, d’un air d’inquiétude. La mort du vieux les eût débarrassés, si le mal l’avait tué d’un coup ; mais, à cette heure, ça pouvait durer longtemps, ça coûterait gros peut-être ; et, s’il claquait avant qu’ils eussent son magot, Fanny et Jésus-Christ viendraient les embêter bien sûr. Le silence du médecin acheva de les troubler. Quand il se fut assis dans la cuisine, pour rédiger une ordonnance, ils se décidèrent à lui poser des questions.

— Alors, c’est donc du sérieux ?… Possible que ça dure huit jours, hein ?… Mon Dieu ! qu’il y en a long ! qu’est-ce que vous lui écrivez là-dessus ?

M. Finet ne répondait pas, habitué à ces interrogations des paysans que la maladie bouleverse, ayant pris le parti sage de les traiter comme les chevaux, sans entrer en conversation avec eux. Il avait une grande pratique des cas fréquents, il les tirait généralement d’affaire, mieux que ne l’aurait fait un homme de plus de science. Mais la médiocrité où il les accusait de l’avoir réduit, le rendait dur pour eux, ce qui augmentait leur déférence, malgré le continuel doute qu’ils gardaient sur l’efficacité de ses potions. Ça ferait-il autant de bien que ça coûterait d’argent ?

— Alors, reprit Buteau, effrayé devant la page d’écriture, vous croyez qu’avec tout ça il ira mieux ?