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LA TERRE.

règlements de compte, entre les cohéritières. Tout cela fut accepté, sans discussion.

Mais, à ce moment, Fouan, qu’on attendait comme tuteur, fut introduit par un clerc, qui empêcha Jésus-Christ d’entrer, tellement le bougre était soûl. Bien que Françoise fût majeure depuis un mois, les comptes de tutelle n’étaient pas rendus encore, ce qui compliquait les choses ; et il devenait nécessaire de s’en débarrasser, pour dégager la responsabilité du vieux. Il les regardait, les uns et les autres, de ses petits yeux écarquillés ; il tremblait, dans sa peur croissante d’être compromis et de se voir traîné en justice.

Le notaire donna lecture du relevé des comptes. Tous l’écoutaient, les paupières battantes, anxieux de ne pas toujours comprendre, redoutant, s’ils laissaient passer un mot, que leur malheur ne fût dans ce mot.

— Avez-vous des réclamations à faire ? demanda M. Baillehache, quand il eut fini.

Ils restèrent effarés. Quelles réclamations ? Peut-être bien qu’ils oubliaient des choses, qu’ils y perdaient.

— Pardon, déclara brusquement la Grande, mais ça ne fait pas du tout le compte de Françoise, ça ! et faut vraiment que mon frère se bouche l’œil exprès, pour ne pas voir qu’elle est volée !

Fouan bégaya.

— Hein ? quoi ?… Je ne lui ai pas pris un sou, devant Dieu je le jure !

— Je dis que Françoise, depuis le mariage de sa sœur, ce qui fait depuis cinq ans bientôt, est restée dans le ménage comme servante, et qu’on lui doit des gages.

Buteau, à ce coup imprévu, sauta sur sa chaise. Lise elle-même étouffa.

— Des gages !… Comment ? à une sœur !… Ah bien ! ce serait trop cochon !

M. Baillehache dut les faire taire, en affirmant que la mineure avait parfaitement le droit de réclamer des gages, si elle le voulait.