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LES ROUGON-MACQUART.

— Et il ne faut pas que l’idée de la Cognette te tourmente, à cause des histoires qui ont couru… Voici bien trois ans que je ne lui ai plus touché la peau.

— Alors, c’est comme moi, déclara-t-elle, je ne veux point que l’idée de Buteau te taquine… Le cochon gueule partout qu’il m’a eue. Peut-être bien que tu le crois ?

— Tout le monde le croit dans le pays, murmura-t-il, pour éluder la question.

Puis, comme elle le regardait toujours :

— Oui, je l’ai cru… Et, vrai ! je comprenais ça, car je connais le bougre, tu ne pouvais pas faire autrement que d’y passer.

— Oh ! il a essayé, il m’a assez pétri le corps ! Mais, si je te jure que jamais il n’est allé au bout, me croiras-tu ?

— Je te crois.

Pour lui marquer son plaisir, il acheva de lui prendre la main, la garda serrée dans la sienne, le bras accoudé sur la barrière. S’étant aperçu que l’écoulement de l’étable mouillait ses souliers, il avait écarté les jambes.

— Tu semblais rester chez lui de si bon cœur, ça aurait pu t’amuser, qu’il t’empoignât…

Elle eut un malaise, son regard si droit et si franc s’était baissé.

— D’autant plus que tu ne voulais pas davantage avec moi, tu te rappelles ? N’importe, cet enfant que j’enrageais de ne pas t’avoir fait, vaut mieux aujourd’hui qu’il reste à faire. C’est tout de même plus propre.

Il s’interrompit, il lui fit remarquer qu’elle était dans le ruisseau.

— Prends garde, tu te trempes.

Elle écarta ses pieds à son tour, elle conclut :

— Alors, nous sommes d’accord.

— Nous sommes d’accord, fixe la date qui te plaira.

Et ils ne s’embrassèrent même point, ils se secouèrent la main, en bons amis, par-dessus la barrière. Puis, chacun d’eux s’en alla de son côté.

Le soir, lorsque Françoise dit sa volonté d’épouser Jean,