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LA TERRE.

horreurs. Saisi, la main sur son mouchoir, avec la peur sourde qu’on ne le visitât, le père bégayait des explications, jurait ses grands dieux qu’il devait les avoir perdus, en se mouchant. Une fois de plus, la maison fut en l’air jusqu’au soir.

Ce qui rendait Buteau d’une humeur féroce, c’était qu’en ramenant sa herse, il avait aperçu Jean et Françoise, fuyant derrière un mur. Celle-ci, sortie sous le prétexte de faire de l’herbe pour ses vaches, ne reparaissait plus, car elle se doutait de la scène qui l’attendait. La nuit tombait déjà, et Buteau, furieux, sortait à chaque minute dans la cour, allait jusqu’à la route, guetter si cette garce-là, enfin, revenait du mâle. Il jurait tout haut, lâchait des ordures, sans voir le père Fouan, qui s’était assis sur le banc de pierre, après la querelle, se calmant, respirant la douceur tiède, qui faisait de ce novembre ensoleillé un mois de printemps.

Un bruit de sabots monta de la pente, Françoise parut, pliée en deux, les épaules chargées d’un énorme paquet d’herbe, qu’elle avait noué dans une vieille toile. Elle soufflait, elle suait, à moitié cachée sous le tas.

— Ah ! nom de Dieu de traînée ! cria Buteau, si tu crois que tu vas te foutre de moi, à te faire raboter depuis deux heures par ton galant, lorsqu’il y a de la besogne ici !

Et il la culbuta dans le paquet d’herbe qui était tombé, il se rua sur elle, juste au moment où Lise, à son tour, sortait de la maison, pour l’engueuler.

— Eh ! Marie-dort-en-chiant, arrive donc, que je te colle mon pied dans le derrière !… Tu n’as pas honte !

Mais Buteau, déjà, avait empoigné la fille sous la jupe, à pleine main. Son enragement tournait toujours en un coup brusque de désir. Tandis qu’il la troussait sur l’herbe, il grognait, étranglé, la face bleuie et gonflée de sang.

— Sacrée cateau, faut cette fois que j’y passe à mon tour… Quand le tonnerre de Dieu y serait, je vas y passer après l’autre !

Alors, une lutte furieuse s’engagea. Le père Fouan distinguait mal, dans la nuit. Mais il vit pourtant Lise,