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LES ROUGON-MACQUART.

— Ça ne se peut pas, ce serait une sottise.

— Mille pardons, monsieur le curé, dit M. Charles, qui crut devoir expliquer les choses en homme de belle éducation, c’est de notre faute, sans l’être… Ma femme m’avait formellement écrit qu’elle rentrerait ce matin. Elle est à Chartres…

L’abbé Godard eut un sursaut, jeté hors de lui, perdant cette fois toute mesure.

— À Chartres, à Chartres… Je regrette pour vous que vous soyez là dedans, monsieur Charles. Mais ça ne peut pas continuer, non, non ! je ne tolérerai pas davantage…

Et il éclata.

— On ne sait quelle avanie faire à Dieu dans ma personne, c’est un nouveau soufflet chaque fois que je viens à Rognes… Eh bien ! je vous en ai menacés assez souvent, je m’en vais aujourd’hui, et pour ne plus revenir. Dites ça à votre maire, cherchez un curé et payez-le, si vous en voulez un… Moi, je parlerai à monseigneur, je lui raconterai qui vous êtes, je suis bien sûr qu’il m’approuvera… Oui, nous verrons qui sera puni. Vous allez vivre sans prêtre, comme des bêtes…

Ils écoutaient tous, curieusement, avec la parfaite indifférence, au fond, de gens pratiques qui ne craignaient plus son Dieu de colère et de châtiment. À quoi bon trembler et s’aplatir, acheter le pardon, puisque l’idée du diable les faisait rire désormais, et qu’ils avaient cessé de croire le vent, la grêle, le tonnerre, aux mains d’un maître vengeur ? C’était bien sûr du temps perdu, valait mieux garder son respect pour les gendarmes du gouvernement, qui étaient les plus forts.

L’abbé Godard vit Buteau goguenard, la Grande dédaigneuse, Delhomme et Fouan eux-mêmes très froids, sous la déférence de leur gravité ; et ce peuple qui lui échappait acheva la rupture.

— Je sais bien que vos vaches ont plus de religion que vous… Adieu ! et trempez-le dans la mare, pour le baptiser, votre enfant de sauvages !

Il courut arracher son surplis, il retraversa l’église et