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LES ROUGON-MACQUART.

— Voyons, qu’est-ce que ça te fout ?… Je suis bon pour vous deux.

Il la connaissait bien, il savait qu’elle ne crierait pas. En effet, elle résistait sans une parole, trop fière pour appeler sa sœur, ne voulant mettre personne dans ses affaires, pas même celle-ci. Il l’étouffait, il était sur le point de la vaincre.

— Ça irait si bien… Puisqu’on vit ensemble, on ne se quitterait pas…

Mais il retint un cri de douleur. Silencieusement, elle lui avait enfoncé les ongles dans le cou ; et il s’enragea alors, il fit allusion à Jean.

— Si tu crois que tu l’épouseras, ton salop… Jamais, tant que tu ne seras pas majeure !

Cette fois, comme il la violentait, sous la jupe, à pleine main brutale, elle lui envoya un tel coup de pied entre les jambes, qu’il hurla. D’un bond, il s’était remis debout, effrayé, regardant le lit. Sa femme dormait toujours, du même souffle tranquille. Il s’en alla pourtant, avec un geste de terrible menace.

Lorsque Françoise se fut allongée sur le matelas, dans la grande paix de la chambre, elle demeura les yeux ouverts. Elle ne voulait point, jamais elle ne le laisserait faire, même si elle en avait l’envie. Et elle s’étonnait, l’idée qu’elle pourrait épouser Jean ne lui était pas encore venue.