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LA TERRE.

se raidit davantage. Et, dès lors, elle ne céda pas, tapant des deux poings, ruant de ses deux jambes nues, qu’il avait déjà découvertes jusqu’aux hanches. Est-ce qu’elle voulait les restes d’une autre ?

— Va donc avec ma sœur, cochon ! crève-la, si ça l’amuse ! fais-lui un enfant tous les soirs !

Buteau, sous les coups, commençait à se fâcher, grondait, croyait qu’elle avait seulement peur des suites.

— Foutue bête ! quand je te jure que je m’ôterai, que je ne t’en ferai pas, d’enfant !

D’un coup de pied, elle l’atteignit au bas-ventre, et il dut la lâcher, il la poussa si brutalement, qu’elle étouffa un cri de douleur.

Il était temps que le jeu finît, car Buteau, lorsqu’il se mit debout, aperçut Lise qui revenait, apportant le goûter. Il marcha à sa rencontre, la retint, pour permettre à Françoise de rabattre ses jupes. L’idée qu’elle allait tout dire, lui donnait le regret de ne pas l’avoir assommée d’un coup de talon. Mais elle ne parla pas, elle se contenta de s’asseoir au milieu des javelles, l’air têtu et insolent. Et, comme il recommençait à faucher, elle resta là, oisive, en princesse.

— Quoi donc ? lui demanda Lise, allongée aussi, lasse de sa course, tu ne travailles pas ?

— Non, ça m’embête ! répondit-elle rageusement.

Alors Buteau, n’osant la secouer, tomba sur sa femme. Qu’est-ce qu’elle foutait encore là, étendue comme une truie, à chauffer son ventre au soleil ? Ah ! quelque chose de propre, une fameuse courge à faire mûrir ! Elle s’égaya de ce mot, ayant gardé sa gaieté de grasse commère : c’était peut-être bien vrai que ça le mûrissait, que ça le poussait, le petiot ; et, sous le ciel de flamme, elle arrondissait ce ventre énorme, qui semblait la bosse d’un germe, soulevée de la terre féconde. Mais, lui, ne riait pas. Il la fit se redresser brutalement, il voulut qu’elle essayât de l’aider. Gênée par cette masse qui lui tombait sur les cuisses, elle dut s’agenouiller, elle ramassa les