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LA TERRE.

— N’est-ce pas ? c’est convenu, mon oncle, vous viendrez avec la petite ?

M. Charles demeurait frémissant. Il était allé se regarder dans la glace, d’un mouvement inquiet ; et il revenait, satisfait de lui.

— Où donc ? Ah ! oui, à votre mariage… C’est très bien ça, mes enfants, de vous marier… Comptez sur moi, j’irai ; mais je ne vous promets pas d’amener Élodie, parce que, vous savez, à une noce, on en lâche… Hein ? la garce, vous l’ai-je flanquée dehors ! C’est qu’il ne faut pas que les femmes m’embêtent !… Au revoir, comptez sur moi.

Les Delhomme, chez qui Buteau et Lise se rendirent ensuite, acceptèrent, après les refus et les insistances d’usage. Il ne restait de la famille que Jésus-Christ à inviter. Mais, vraiment, il devenait insupportable, brouillé avec tous, inventant les plus sales affaires pour déconsidérer les siens ; et l’on se décida à l’écarter, en tremblant qu’il ne s’en vengeât par quelque abomination.

Rognes était dans l’attente, ce fut un événement que ce mariage, différé si longtemps. Hourdequin, le maire, se dérangea ; mais, prié d’assister au repas du soir, il dut s’excuser, forcé justement, ce jour-là, d’aller coucher à Chartres, pour un procès ; et il promit que madame Jacqueline viendrait, puisqu’on lui faisait aussi la politesse de l’inviter. On avait songé un instant à convier l’abbé Godard, afin d’avoir du monde bien. Seulement, dès les premiers mots, le curé s’emporta, parce qu’on fixait la cérémonie au jour de la Saint-Jean. Il avait une grand’messe, une fondation, à Bazoches-le-Doyen : comment voulait-on qu’il fût à Rognes, le matin ? Alors, les femmes, Lise, Rose, Fanny, s’entêtèrent ; elles ne parlèrent pas d’invitation, il finit par céder ; et il vint à midi, si furieux, qu’il leur lâcha leur messe dans un coup de colère, ce dont elles restèrent blessées profondément.

D’ailleurs, après des discussions, on avait résolu que la noce se ferait très simple, en famille, à cause de la situation de la mariée, avec son petit de trois ans bientôt.