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VII


On était de nouveau à l’époque de la fenaison, par un ciel bleu et très chaud, que des brises rafraîchissaient ; et l’on avait fixé le mariage au jour de la Saint-Jean, qui tombait cette année-là un samedi.

Les Fouan avaient bien recommandé à Buteau de commencer les invitations par la Grande, l’aînée de la famille. Elle exigeait des égards, en reine riche et redoutée. Aussi Buteau, un soir, s’en alla-t-il avec Lise, tous les deux endimanchés, la prier d’assister à la noce, à la cérémonie, puis au repas, qui devait avoir lieu chez la mariée.

La Grande tricotait, seule dans sa cuisine ; et, sans ralentir le jeu des aiguilles, elle les regarda fixement, elle les laissa s’expliquer, redire à trois reprises les mêmes phrases. Enfin, de sa voix aiguë :

— À la noce, ah ! non, bien sûr !… Qu’est-ce que j’irais faire, à la noce ?… C’est bon pour ceux qui s’amusent.

Ils avaient vu sa face de parchemin se colorer, à l’idée de cette bombance qui ne lui coûterait rien ; ils étaient certains qu’elle accepterait ; mais l’usage voulait qu’on la priât beaucoup.

— Ma tante, là, vrai ! ça ne peut pas se passer sans vous.

— Non, non, ce n’est point fait pour moi. Est-ce que j’ai le temps, est-ce que j’ai de quoi me mettre ? C’est toujours de la dépense… On vit bien sans aller à la noce.

Ils durent répéter dix fois l’invitation, et elle finit par dire d’un air maussade :

— C’est bon, puisque c’est forcé, j’irai. Mais faut que ce soit vous pour que je me dérange.