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LES ROUGON-MACQUART.

— S’il y a du nouveau, vous le saurez, quand il sera bon à savoir.

Fanny toucha son cheval, qui partit au pas, tandis que la vache, derrière, se laissait tirer, allongeant le cou. Et Lise demeura seule, entre Buteau et Jean.

Dès six heures, tous les trois s’attablèrent dans une salle de l’auberge, ouverte sur le café. Buteau, sans qu’on sût s’il régalait, était allé à la cuisine commander une omelette et un lapin. Lise, pendant ce temps, avait poussé Jean à s’expliquer, pour en finir et s’éviter une course. Mais on achevait l’omelette, on en était à la gibelotte, que le garçon, gêné, n’en avait encore rien fait. D’ailleurs, l’autre, non plus, ne semblait guère songer à tout ça. Il mangeait dur, riait la bouche élargie, allongeait par-dessous la table des coups de genoux à la cousine et au camarade, en bonne amitié. Puis, l’on causa plus sérieusement, il fut question de Rognes, du nouveau chemin ; et, si pas un mot ne fut prononcé de l’indemnité de cinq cents francs, de la plus-value des terrains, cela pesa dès lors au fond de tout ce qu’ils disaient. Buteau revint à des farces, trinqua ; tandis que, visiblement, dans ses yeux gris, passait l’idée de la bonne affaire, ce troisième lot devenu avantageux, cette ancienne à épouser, dont le champ, à côté du sien, avait presque doublé de valeur.

— Nom de Dieu ! cria-t-il, est-ce que nous ne prenons pas du café ?

— Trois cafés ! demanda Jean.

Et une heure se passa à siroter, à vider le carafon d’eau-de-vie, sans que Buteau se déclarât. Il s’avançait, se reculait, traînait en longueur, comme s’il eût encore marchandé la vache. C’était fait au fond, mais fallait voir tout de même. Brusquement, il se tourna vers Lise, il lui dit :

— Pourquoi n’as-tu pas amené l’enfant ?

Elle se mit à rire, comprenant que ça y était, cette fois ; et elle lui allongea une tape, elle se contenta de répondre, heureuse, indulgente :

— Ah ! cette rosse de Buteau !

Ce fut tout. Lui aussi rigolait. Le mariage était résolu.