Page:Emile Zola - La Terre.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.


VI


Lise et Françoise, s’étant débarrassées de Blanchette, trop grasse et qui ne vêlait plus, avaient résolu, ce samedi-là, d’aller au marché de Cloyes acheter une autre vache. Jean offrit de les y conduire, dans une carriole de la ferme. Il s’était rendu libre pour l’après-midi, et le maître l’avait autorisé à prendre la voiture, ayant égard aux bruits d’accordailles qui couraient, entre le garçon et l’aînée des Mouche. En effet, le mariage était décidé ; du moins, Jean avait promis de faire une démarche près de Buteau, la semaine suivante, pour lui poser la question. L’un des deux, il fallait en finir.

On partit donc vers une heure, lui sur le devant avec Lise, Françoise seule sur la seconde banquette. De temps à autre, il se tournait et souriait à celle-ci, dont les genoux, dans ses reins, le chauffaient. C’était grand dommage qu’elle eût quinze ans de moins que lui ; et, s’il se résignait à épouser l’aînée, après bien des réflexions et des ajournements, ça devait être, tout au fond, dans l’idée de vivre en parent près de la cadette. Puis on se laisse aller, on fait tant de choses en ne sachant pas pourquoi, lorsqu’on s’est dit un jour qu’on les ferait !

À l’entrée de Cloyes, il mit la mécanique, lança le cheval sur la pente raide du cimetière ; et, comme il débouchait au carrefour de la rue Grande et de la rue Grouaise, pour remiser à l’auberge du Bon Laboureur, il désigna brusquement le dos d’un homme, qui enfilait cette dernière rue.

— Tiens ! on croirait Buteau.

— C’est lui, déclara Lise. Sans doute qu’il va chez monsieur Baillehache… Est-ce qu’il accepterait sa part ?